La confiance en management: grille de lecture
Le management vit une crise de confiance
Dans les entreprises aujourd’hui, les collaborateurs naviguent souvent entre sentiments et ressentiments à l’encontre de leur hiérarchie. Lorsque que l’on sonde (dans les âmes) les germes de ce doute qui s’est immiscé entre collaborateurs et managers, un des plus grands désarrois ressentis (plus que mesurés) semble être la disparition progressive d’une confiance réciproque. Mais qu’est-ce que la confiance ? Sa définition à la fois la plus simple et la plus symbolique en management est certainement celle-ci : croire en quelque chose de commun. Peu importe, au fond, la nature de cette chose, pourvu qu’elle existe ! Mais d’où vient la dévitalisation progressive de cette confiance ? La question mérite d’être posée car la confiance est à la racine de l’engagement des uns envers les autres. Sa dilution est donc un facteur important pour comprendre les contre-performances individuelles et collectives au sein des entreprises. Pour comprendre cette méfiance « interstitielle » (c’est-à-dire jamais directement et franchement visible et encore moins mesurable), il est nécessaire de comprendre ce qui a fait, à l’origine, la force du management, en particulier, dans les institutions hiérarchisées et performantes. Cette force, elle résidait dans une vérité surplombante acceptée et mobilisatrice car opératrice sur le réel. Autrement dit, tant que le management vous dit ce qu’il faut faire et que cette chose-là marche, obéir a plus d’avantage que de désobéir et la confiance est plus rentable que la méfiance. Et si en plus, comme cela a été le cas avec le management dit mécanique, le commandement tire sa légitimité et sa crédibilité d’une puissance et d’une maitrise basées sur la raison alors tout le monde s’aligne et pas une tète dépasse ! Quand l’institution semble dire le vrai et que le Vrai vous fait du Bien, pourquoi douter, pourquoi jouer le rebelle, pourquoi ne pas avoir la foi ?
Management des organisations : La confiance a muté
Qu’est ce qui a bien pu enrayer cette belle mécanique et faire germer la méfiance et ses symptômes que sont le désengagement, la rébellion, la désobéissance, le repli ou l’engagement mais en dehors de l’activité managée ? Pour appréhender les transformations radicales dans les rapports mangers-managés, il suffit de remonter à la racine de ses rapports. Or, nous venons de voir qu’historiquement le management a tiré sa crédibilité et sa légitimité sur sa capacité à délivrer une pensée surplombante opératrice sur le quotidien des collaborateurs. A l’évidence, la complexité des situations d’aujourd’hui rend cette pensée « du haut » moins opératrice. Pire, pour garder le contrôle, le management a répondu à la complexification à grand coup de complications en faisant naitre chez les collaborateurs, toujours enclins à mythifier le passé, le sentiment suivant : hier c’était simplicité et efficacité, aujourd’hui c’est complexité et stérilité ! Bien évidemment, un tel ressentiment fissure la précieuse confiance qui est rappelons-le comme un château de sable, longue à construire mais très facile à détruire. Une confiance qui s’étiole est une confiance qui ne se régénère pas ou très lentement. Elle préfère muter et c’est dans cette mutation que l’impuissance du management d’en haut trouve ses racines. Quand on ne croit plus en la vérité surplombante, quand on pense que l’institution n’est plus dans le vrai, c’est toute l’organisation auparavant bien huilée qui passe d’un cercle vertueux à un cercle vicieux, caractéristique des crises de confiance.
Le rôle du management : restaurer le contrat de confiance
Et pourtant, aucune équipe, aucune entreprise, aucun engagement ne peut se passer d’une confiance mobilisatrice. Dès qu’une s’épuise, le rôle du management est d’en trouver une autre pour rassembler et unir de nouveau les uns et les autres par une croyance commune. En pratique cependant, les choses ne se passent pas tout à fait comme cela. En effet, malgré la méfiance, le management continue sur sa logique de puissance et de matrice avec des forces, certes apparentes (l’autorité, les menaces, le contrôle, l’évaluation) mais bien superficielles en termes d’impact sur le réel des choses. Ce management « forcé » est à l’origine d’un management forcené : les chiffres, les data, les mesures, tout est quantifié, pesé, filtré sans se rendre compte que cette quantification outrancière ne répond pas à l’origine de la méfiance et ne fait qu’accentuer les réflexes protecteurs des collaborateurs. Citons parmi ces réflexes, l’option souvent prise de s’investir ailleurs que dans l’entreprise ou de trouver des libertés interstitielles dans le système lui permettant d’échapper à cette quantification infernale (salariés protégés, salariés rusés, salariés baronnisés). Soyons clair, sans vision, le management n’est plus qu’une illusion et la confiance ne se nourrit pas d’illusion. Pour retrouver une légitimité et une crédibilité, le management doit donc trouver l’étroit passage lui permettant de muter sans se renier. Pour cela, il abandonnera son idée de vérité surplombante guidant de manière préfabriquée le chemin de chacun pour accepter de se transformer en un accompagnement consenti guidé par la construction d’un bien commun. Ce bien commun sera éventuellement plus modeste que la notion de vérité surplombante de jadis mais plus mobilisatrice car plus en proximité avec le quotidien des collaborateurs. Ce néo- management exige plus de solidarité moins d’autorité, plus de vécu moins d’absolu, plus d’authenticité moins de fausseté.
La confiance en management créée une unité, une unicité et une identité
La nature (humaine), c’est bien connu, a horreur du vide. Quand la solidité et la pérennité du management vertical se fissure, l’agilité et la fragilité de nouvelles solidarités horizontales se tissent en essayant de reconstruire une unité, une unicité, une identité. Ce management horizontal fonde une nouvelle écologie des organisations. Les collaborations ne s’envisagent plus les uns en dessous des autres ou les uns au-dessus des autres mais les uns avec les autres, côte à côte ! Pour regarder l’avenir avec confiance, ces nouvelles formes de collaborations détournent leur attention du haut (où les puissants conservent et stérilisent leur vision surplombante) en se focalisant sur des chemins de traverse en préférant l’anonymat de la liberté interstitielle (là où jaillit la vraie vie) à la lumière des prisons dorées que constituent parfois une belle place dans l’organigramme de l’organisation. C’est dans ces chemins de traverses que chacun essaie de retrouver sa singularité en tentant d’échapper à la chape de plomb que fait peser le management vertical sur toute l’organisation. Partout dans les entreprises aujourd’hui se développe un prurit par rapport à cette chape de plomb homogénéisante, uniformisante, sclérosante et parfois même (comble de la fanfaronnerie) condescendante.
La confiance en management : identifications des chemins
Même si, par définition, ces chemins de traverses sont multiples et diffus, nous pouvons observer des constances. D’abord ces chemins de traverses parient plus sur les interactions collectives que sur les actions individuelles. Le management vertical avait la culture du JE. Le management horizontal à la culture du Nous. Ensuite, ces chemins de traverses sont plus dans l’intention que dans l’injonction. Le management vertical usé jusqu’à la corde dans ses fondements même était arrivée à un vrai paradoxe en exigeant à la fois une réelle autonomie (débrouille toi) et des processus normatifs (fais comme je te dis). Pour échapper à ce paradoxe étouffant, le management horizontal développe de nouvelles formes de solidarités qui ne sont plus du type « chacun pour soi » ou du type « tous pour uns » mais plutôt du type « quelques-uns avec quelques autres » avec un regroupement basé sur les affects bien plus que sur la raison. Cette constation nous fait envisager que le management de demain ne sera ni individuel ni collectif mais communautaire. Enfin, ces chemins de traverses sont à la recherche d’une nouvelle sagesse. Le management vertical passait trop de temps sur l’origine des choses et pas assez de temps sur le devenir des choses. Le management horizontal, moins analytique et plus intuitif, fera le pari inverse en réallouant les ressources sur le devenir des choses sans trop s’attarder sur le pourquoi du comment.
La confiance en management : une question de qualité plutôt que de quantité
Le management fonctionne en réalité comme n’importe quelle croyance et remporte l’adhésion plus par foi que par démonstration. C’est cette réalité qui est en train de changer en profondeur le profil des managers. Au fond, la grande question du management vertical était de savoir où il fallait aller ? C’est l’obsession de cette destination à atteindre qui explique l’obsession des techniques de planification, de quantification et de mécanisation utilisées par le management mécanique. Le monde d’aléas que nous connaissons depuis de nombreuses années maintenant à saper la confiance inébranlable qui était placé dans cette destination et ses techniques pour l’atteindre. Loin de se résigner et de se laisser flotter au gré du vent, d’autres techniques de management émergent avec une idée en tête : Quand on ne sait pas précisément où l’on va, mieux vaut savoir avec qui et comment. A partir de là, les techniques de synchronisation se substituent aux techniques de planification et le voyage réalisé (la qualité du chemin parcouru) devient plus important que la destination à atteindre (la quantité de chemin parcouru). Cette nouvelle grille de lecture doit habiter les managers de demain si le management souhaite retrouver une légitimité et une crédibilité aux yeux des collaborateurs.