La digitalisation : Une échasse pour une intelligence augmentée ou une béquille pour une humanité diminuée ?
Une époque c’est d’abord un contexte technologique !
Comme toujours, l’éthique d’une époque doit se contextualiser au travers de ses révolutions technologiques. Celle que nous vivons nous offre la révolution numérique qui est par essence une technologie interactive donc très sensible éthiquement. D’autant plus sensible que le numérique a fait de l’Homme le maillon faible de son espace-temps. Pour la première fois de son histoire, ce n’est plus lui qui donne le tempo. Désormais, c’est le digital et son flux continu d’informations, d’images et de sons qui dictent le rythme. Partout et en tout, la vitesse d’ agression digitale est devenue supérieure à la vitesse de réaction humaine. L’homme n’est plus le centre et le maître du monde. Certes, il fit naître le digital mais le digital, à son tour, est en train de faire naître un nouvel Homme. Avec la digitalisation du monde, la conquête humaine de l’espace (la domination) et du temps (la planification) cède la place à la fécondation de l’espace (la germination) et du temps (synchronisation) par les nouvelles technologies et leurs différents vecteurs : réseaux sociaux, forums, blogs, applications…etc. « Chef, digitalise-moi » traduit donc un cri du cœur pour nous aider à mieux comprendre les conséquences de la digitalisation sur les rapports que nous entretenons désormais avec notre paradigme socio-économique complètement bouleversé par la déferlante numérique.
La digitalisation n’est ni bonne ni mauvaise, tout dépend ce que nous en faisons !
Pour se propager dans l’espace et le temps, l’esprit du temps doit toujours utiliser un véhicule. Le véhicule de notre époque est la Toile avec tous ses nouveaux canaux (réseaux sociaux, forums, blogs, etc…) qui nous mettent en demeure de réinventer notre espace-temps. Mais, si ces nouvelles technologies peuvent être des merveilles, force est de constater que la bêtise humaine est déjà en train de les saccager et de les polluer. Certains, dans un élan d’euphorie, comptaient sur la Toile pour décupler l’intelligence collective, pour accélérer la créativité humaine et pour démocratiser la connaissance. Cet optimisme béat oubliait trop vite qu’une technologie, quelle qu’elle soit, est totalement dépendante de ce que l’on en fait et ne prend de la valeur que par l’intelligence qu’on y injecte. Et là, le bât blesse. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication se sont démocratisées, et la médiocrité les gagne. Le divertissement, les vulgarités, le mercantilisme et la haine ont envahi le numérique et l’empoisonne déjà.
Une vraie utilité du digital serait de passer du BtoB au HtoH !
A l’évidence, les réseaux dit sociaux ont incontestablement redimensionné les rapports humains en faisant exploser leur nombre et leur fréquence. Fort de ces nouveaux possibles, formulons le vœu que les nouvelles technologies nous aide à réaménager un nouvel espace-temps si possible au profit d’une élévation de notre éthique individuelle et collective. Si le digital et l’Homme parviennent à interagir intelligemment, la révolution numérique influencera profondément nos choix de vie donc notre éthique. La fusion de nos vies personnelle et professionnelle, permise par le télétravail, est un bel exemple de cette harmonie entre l’Homme et le numérique. Avec lamontée en puissance du télétravail, d’un point de vue éthique. ce qui comptera dans les années à venir c’est ce qui sera fait et non plus où et quand cela est fait. Cette nouvelle éthique du travail sera à l’origine d’un réaménagement important du territoire en déconnectant le rapport entre la localisation personnelle et professionnelle, avec à la clé des gains importants en qualité de vie. Le « floutage » des frontières entre personnel et professionnel sera également à l’origine d’une montée en puissance du troc des compétences. Cette libre circulation des compétences imposera, après le BtoB ou le BtoC, un modèle économique HtoH ! Ce nouveau modèle économique sera celui de la disparition des intermédiaires entre producteurs et consommateurs de compétences. Cette désintermédiation permettra à chacun, à partir de plateforme numérique et communautaire, de rapprocher l’offre et la demande des compétences sur un territoire économique donné en se réappropriant au passage la valeur d’usage de ses compétences.
Pour conclure…
Le digital est une béquille, pas une échasse ! En effet, ne nous y trompons pas, le digital ne décuple pas l’intelligence collective, il ne fait que la relayer et la diffuser. Les femmes et les hommes qui réussiront à survivre au profond changement de paradigme socio-économique qui se déroule sous nos yeux seront celles et ceux capables d’utiliser les nouvelles technologies et non de les subir dans leur vie professionnelle comme personnelle. Longtemps, nous avons vécu par assemblage mécanique et rationnel. Facebook et consorts ont essayé de nous faire croire que, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, nous pouvions tous rentrer en contact sans frais, sans fatigue, sans risque et sans promiscuité. Evidemment, il n’en est rien. Cette version médiocre des nouvelles technologies continue de nous faire vivre les uns à côté des autres ou les uns sur les autres sans être vraiment les uns avec les autres. Les nouvelles technologies devront être au service de notre accomplissement pour être et devenir réellement utiles. Cela implique des réseaux sociaux plus électifs sélectifs. Alors et alors seulement, il en résultera un nouvel art de vivre. Un art de vivre qui nous réunira par vocation, par passion ou encore par intention pour servir et entretenir ce qui nous entoure et nous fait réellement vivre et vibrer. Toutes les grandes ruptures technologiques suivent à peu près le même cycle : d’abord elles sont géniales, puis délirantes et enfin catastrophiques. La technologie du moteur à explosion a terminé son cycle. Les pollutions induites par les moteurs à explosion induisent aujourd’hui plus de catastrophes qu’autre chose. La technologie numérique (certainement dans sa phase délire) ferait bien de se réinventer si elle veut faire exception et éviter la phase catastrophe. Ce n’est qu’en se réinventant qu’elle fera plus de bienfaits que de ravages sur l’éthique de notre époque et celle de nos enfants et petit-enfants