L’incubateur : épisode 1
Management de nos vies : un nouveau discours de la méthode s’impose
La répétition des secousses socio-économiques depuis le début du 21ème siècle a au moins le mérite de passer au crible nos manières d’être et de penser. Face au manque de vision, un nouveau discours de la méthode s’impose en tout et partout y compris dans l’organisation et l’articulation de nos vies personnelles et professionnelles. L’exercice est nécessaire mais difficile car aujourd’hui il ne suffit plus de bêler en chœurs quelques bons sentiments pour faire avancer les choses. Toutes les valeurs sont aujourd’hui remises en cause à commencer par la valeur travail qui suscite des sentiments se situant quelque part entre attraction et répulsion. Vu d’en bas, le travail est à la fois recherché et rejeté. En conséquence, nous oscillons entre excitation, hésitation, désorientation et parfois même saturation en fonction de notre motivation. Dans les périodes de grande mutation, comprendre c’est plus voir que savoir et c’est plus entendre que de se faire entendre. Ce changement de méthode est particulièrement difficile pour les élites surtout quand arrogance et suffisance (dues aux réussites des modèles passés) vous rendent myopes et sourds !
Une mutation tourneboule nos modes de vie et son management
Presque par habitude, on pense souvent par pesanteur avec des idées révolues, ce qui nous empêche en aucun cas de voir ce qui se passe dans la vraie vie. Ce paradoxe explique que nous vivons presque toujours les périodes de transition en déséquilibre plus ou moins profond. Qu’on l’appelle de quelque nom que l’on voudra, une mutation de fond est en cours sous nos yeux et tourneboule nos modes de vie ainsi que l’organisation de nos vies. Si ce grand chambardement est orchestré en mode mineur par les gens d’en haut (les fameuses élites), il est vécu en mode majeur par tous les autres. Il est vrai que dans le labyrinthe du vécu, la vision est parfois bien différente que dans la tour d’ivoire du conçu. Comme toujours dans les moments de profonds changements, il faut trouver les mots les plus pertinents qui soient pour repérer les mutations et savoir les dire et les guider. Cet exercice n’est jamais facile tant il est vrai que la rectitude des bienpensants tend très souvent à l’emporter sur la lucidité des clairvoyants.
Le management de l’époque ne répond plus aux sciences exactes
Garder les choses en ordre est moins exigeant que de repérer le nouvel ordre des choses, surtout en cas de secousses et de tumultes. Une chose est certaine, notre époque ne répond plus aux sciences exactes et nous oblige à valoriser non plus la certitude mais seulement le plausible. Voir sans avoir d’aprioris ou de préjugés est le nouvel exercice proposé à celles et ceux qui traceront le chemin et joueront le rôle d’éclaireur dans une époque d’épais brouillard. Quand on ne veut rien remettre en cause, on se contente de prendre des « poses » ou encore de « faire une pause » mais dans les deux cas, on déconnecte ! Dans la vraie vie, l’heure est plutôt au discernement des changements à mettre en œuvre qu’à l’acharnement pour sauver des croyances ou des modèles devenus obsolètes. Seule une telle purge des intentions permet de glisser d’une époque à une autre.
Management et raison : entre apogée et décadence
La fin d’un monde n’est pourtant pas la fin du monde ! Saisir la radicalité de l’époque c’est saisir le sens de l’époque à sa racine ce qui parfois, il faut bien le reconnaitre, génère un inconfort certain. Dans le monde d’hier, le raisonnement ne connaissait que les formes canoniques. Pour inventer le monde de demain, nous partirons de ce qui est encore anomique, souterrain, officieux, secret ou encore discret. A l’heure actuelle, cette anomie se situe entre intuition floue ou confuse et certitude artificielle et préfabriquée. Ce nomadisme entre intuition et certitude est au fond au cœur de notre évolution actuelle où cohabite raison et passion, rationalité et sensibilité. Chaque époque a son exigence et il est parfois utile de faire un pas de travers, hors des sentiers battus, pour trouver un nouveau sens, un sens réinventé et ré-enchanté. Nos modes d’hier étaient planification (organisation d’abord) et homogénéisation (pas une tête qui dépasse). Les modes de demain seront plutôt synchronisation (opportunité d’abord) et fragmentation (jamais pareil mais parfois semblable) ! Pour mettre en œuvre cette mutation, le DEFI de chacun sera de déployer sa Force Intérieure pour combler l’écart entre ces deux fossés. Notons avec beaucoup de modestie et d’humilité que ces deux fossés naissent d’une instance de divorce entre le pouvoir vertical asséné par les élites (politiques, économiques, philosophiques) et l’autorité horizontale secrétée par les réseaux (famille, tribus, clans, associations, communautés). Cette cohabitation entre pouvoir vertical (la loi du père) et autorité horizontale (la loi du frère) est une grille de lecture assez pertinente de la société d’aujourd’hui pour décrire ce qu’elle génère de de pire et de meilleur.
De la soudure à la couture, les tendances du management de notre société évoluent
A l’image de la société, les modèles d’organisation mutent de la soudure (faire coller les choses coute que coute) à la couture (s’ajuster les uns aux autres). Bien évidemment, ces ajustements permanents sont à l’origine de la fragmentation des systèmes d’organisation en faisant au passage imploser (plus ou moins docilement) l’homogénéité de façade. Face à ce mouvement de fragmentation, il y a ceux qui vous font croire et il y a celles et ceux qui vous font croitre ! Dit autrement, il y a les marchands et les marcheurs…les marchands d’idées et les marcheurs éclairés ! Le leader de demain sera à ce titre plutôt un déchiffreur et un traducteur du sens émergeant de notre époque plutôt qu’un répétiteur d’idées usées jusqu’à la corde. De la stabilité à la relativité, voilà au fond résumé la déconstruction des modèles d’organisation de la société et du travail. Dans ce va et vient des époques, au déclin de l’une répond la renaissance d’une autre. Ne l’oublions pas, époque signifie parenthèse. Elle peut donc s’ouvrir comme se refermer…