La saga de la société postmoderne
Episode 2 : Une nouvelle façon de vivre !
Pour résumer simplement l´épisode 1, disons que la société a changé. Le passage à la postmodernité émerge sous nos yeux et bouscule le paradigme d’hier. Visibilité réduite, hésitations, déstabilisation, démobilisation et saturation idéologique : tel est le lot commun des gens. Évidemment, ces changements profonds, irréversibles et irrémédiables s´accompagnent d´une nouvelle façon de vivre sa vie et son travail. Six ruptures entre monde moderne et postmoderne expliquent la transformation en cours de notre paradigme socio-économique. Tentons de les nommer et de mieux les comprendre pour s´offrir une nouvelle grille de lecture sur la façon de vivre sa vie et son activité professionnelle.
La 1ère rupture est le passage d´une pensée rationnelle à une pensée émotionnelle : L´ère postmoderne sera incarnée par une infiltration du sensible dans la raison. Le tout raisonnable ennuie ou agace. La demande d´émotion est en hausse. Aujourd´hui, on est plus « fan de », que «froidement pour » ou « froidement contre »On a « plus envie de » que « besoin de »On préfère « avoir le sentiment que », plutôt que « d´avoir l´argument pour». Nous sommes passés d´une raison moderne métallique à une raison postmoderne sensible qui fait coexister des « couples » jusqu´ici conflictuelles : raison/sentiment, nature/culture, travail/loisir. La pensée moderne, essentiellement rationnelle et mécanique, évolue progressivement en une pensée plus organique, plus débridée et plus décomplexée ce qui va ouvrir et offrir de nouveaux modes de vie et de management dans les organisations et les entreprises postmodernes.
La 2ème grande rupture est le passage de « l´effort pour demain » à « la jouissance ici et maintenant » : le monde moderne comptait durer ; le futur et l’avenir y étaient synonymes de progrès et d’espoir. Dorénavant, ce qui compte le plus, c’est l’intensité de ce que je vis ici et maintenant. Ce rapport différent au temps est lié au sentiment naissant que le futur et l’avenir ne sont plus forcément synonymes de jours meilleurs. Le futur et l´avenir sont même parfois synonymes de précarité et d’incertitude. C´est cette sensation de « potentielle précarité » qui donne envie aux gens de vivre le moment présent avec intensité sans tout miser sur des lendemains très incertains. Comment vivre sans préparer l´avenir ? Miser sur la durée et miser sur l’intensité requièrent des leviers de vie tout à fait différents, voire opposés, et cette rupture du temps est parfois très déroutante pour les modernes que nous étions ! Et pourtant, cette envie d´intensité qui est en train de monter, devrait, si on arrive à la renifler, faire naître une nouvelle forme de vitalité socioéconomique durant l´ère postmoderne.
La 3ème grande rupture est le passage d´un mode hiérarchique à un mode réseau : Dans le monde moderne, les relations étaient hiérarchiques, construites sur des injonctions, base de toutes les relations. Aujourd’hui, cette logique d’injonction devient stérile. Dorénavant, les relations hiérarchiques sont déjà souvent remplacées par des fonctionnements en réseaux, construites sur des interactions réelles qui transforment « le contrat social » (relation très mécanique entre un « employeur » et un « employé ») en « pacte sociétal » (relation beaucoup plus biologique entre personnes). Le lien sociétal et managérial n´est plus sur le devoir être, il est sur le vivre ensemble. Un contrat est en phase avec des écrits. Un pacte est en phase avec des affects et des humeurs. L´explosion des réseaux sociaux est bien entendu le marqueur le plus flagrant de cette évolution des liens. Seuls les managers qui intégreront ces changements parviendront à être en phase avec les profils postmodernes.
La 4ème rupture est le passage de la notion d´ « enjeu » à la notion de « jeu ». Dans le monde moderne, tout était une question d´enjeu. Il y avait les enjeux commerciaux, les enjeux stratégiques, les enjeux professionnels, les enjeux personnels. Ces enjeux répétés et multiples, tous flanqués du culte de la performance, ont fini par émousser et lasser les bons petits soldats. En réaction, la notion de « jeu » pointe le bout de son nez. Malgré la crise ou à cause de la crise, l´individu n´a jamais autant joué aux jeux de hasard et jamais autant parié sur des sujets divers et variés. La France et les salariés sont en crise, mais la France et les salariés s´amusent, jouent et parient. Le jeu, à travers les expériences et les émotions qu´il nous fait vivre, est-il un nouveau levier de motivation de vie ?
La 5ème rupture est le passage du déterminisme au relativisme. L´individu moderne était un individu extrêmement déterminé. La notion de progrès continu était la pierre angulaire de la société dite moderne et le moteur de ce déterminisme. Dans le monde moderne, tout était considéré comme urgent et prioritaire afin que « les arbres grimpent au ciel ». Dans les interstices des désillusions politiques et des crises économiques répétées et successives, le mythe du progrès perpétuel a été écorné. Cette contamination des esprits, qui grignote du terrain jour après jour, change en profondeur notre logique sociétale et managériale et est en train de balayer tout le mythe et la puissance du déterminisme en installant, en creux, un certain relativisme. Est-il possible de faire de ce repli, de ce lâcher-prise, un levier de vie pour la société ou un levier de management dans les organisations postmodernes ?
La 6ème et dernière rupture est la transformation de l´individu moderne en personne postmoderne : Dans le monde moderne, on aimait modéliser les gens pour les classer par types ou profils. La démarche était assez aisée car l´individu moderne était assez univoque et principalement guidé par la domestication de la raison. Chez la personne postmoderne s´est creusé des interstices et des creusets qui ne demandent qu´à se remplir de libertés interstitielles (faille existante entre la réalité vécue et la doctrine officielle) pour faire éclater au grand jour sa pluralité et ses différences. Nous ne sommes plus des individus homogènes aux réactions stéréotypées et parfaitement prévisibles. Nous sommes devenus singulier-pluriel en portant différents « masques » en fonction des situations et des circonstances. Nous avions plutôt appris à vivre avec des individus modernes qui mettaient des barrières très étanches entre leurs différentes vies, mais nous sommes de plus en plus confrontés à des personnes plus insaisissables et plus imprévisibles car vivant plusieurs vies intriquées à la fois. Si nous voulons passer des pactes gagnants-gagnants avec les différentes vies de cette personne, nous devrons évoluer pour s´ajuster aux différentes facettes de la personne qui est en face de nous !
Ces 6 ruptures entre monde moderne et postmoderne transforment en profondeur le paysage de notre société et en creux le mode de fonctionnement de nos entreprises. Ces 6 ruptures jettent les bases d´une nouvelle raison humaine. Une nouvelle raison aux arcanes parfois bien différents de la raison moderne MPM vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour ausculter quelques contours de cette raison postmoderne !