Le management peut-il réinventer l’espace-temps du travail ?
Pour retrouver de la compétitivité, les entreprises de demain tenteront de réinventer l’espace-temps du travail. Pour remplir cette feuille blanche, un management néo-artisanal émergera et décloisonnera ce que le management industriel avait soigneusement cloisonné : professionnel/personnel, lieu/lien, travail/trouvailles.
Avant de détailler ces décloisonnements, précisons que l’émergence de ce management néo-artisanal sera favoriser et faciliter par la fin du mythe : le mythe qui voulait que travailler en grandes séries signifiait forcément travailler bien et efficacement. Avec la « démassification » de l’économie, quantité et qualité ne convergent plus. A l’avenir, chacun sera (au mieux) payer exclusivement pour ce qu’il fait bien sans la moindre considération de temps. L’autre mythe qui tombera assez vite avec la désindustrialisation de l’économie est le mythe que travailler au bureau ou à l’usine est le seul espace de travail productif. Ce qui comptera dans les années à venir c’est ce qui sera fait et non où et quand cela est fait.
Pour rentrer de plein pied dans ce néo management des organisations, nous retrouverons une logique d’artisan en abandonnant la logique d’uniformisation et de standardisation du temps et de l’espace économique qui caractérisait le management industriel : l’artisan ne vend pas son temps, il vend ce qu’il fait de son temps. Cette liberté est précisément ce qui lui permet de rester maitre de son temps. L’artisan ne crée pas dans un espace précis. Il crée là où il est. Cette autre liberté est ce qui lui permet de rester libre de ses mouvements.
Encore aujourd’hui, face à cette revendication de liberté de temps et d’espace, les juristes voient la mort du contrat de travail, les syndicats la mort de leur fond de commerce revendicatif et le patronat la désorganisation de toute la logistique et la production. Il faut sortir d’urgence de cette logique délétère. La compétitivité de demain ne sera plus la productivité (quantité produite par unité de temps) mais l’effectivité (qualité produite par unité de rémunération). Il revient au management de mener et d’organiser cette évolution socioculturelle. Cette évolution managériale nécessite de revoir le travail dans le temps et dans l’espace en décloisonnant le personnel et le professionnel, le lieu et le lien, le travail et les trouvailles.
Le management néo-artisanal décloisonnera l’espace-temps personnel et professionnel
Cela se traduira par une montée en puissance du télétravail avec un pacte à la clé : Ce qui comptera c’est ce qui sera fait et non où et quand cela est fait. Cette montée en puissance du télétravail sera à l’origine d’un réaménagement important du territoire en déconnectant le rapport entre la localisation personnelle et professionnelle. Il en résultera évidemment des gains importants en qualité de vie.
Le décloisonnement de l’espace-temps professionnel et personnel s’accompagnera également d’une montée en puissance des « entreprises tribus » où chacun viendra gagner sa vie tout en réussissant sa vie à travers une intention collective dépassant et transcendant les intentions individuelles de chacun.
Le management néo-artisanal décloisonnera les lieux et les liens
Aujourd’hui, lieux et liens au travail sont très cloisonnés. Le contrat de travail prévoit un lieu de travail précis mais ne prévoit aucun lien précis entre les personnes à l’exception des liens hiérarchiques. Le cloisonnement personnel-professionnel en est une des causes. Demain, le besoin presque irrésistible de donner du sens à son lieu et à son espace de travail passera par une convergence réelle des intentions entre les individus et leurs entreprises. Autrement dit, les entreprises deviendront de plus en plus des tribus et des communautés dans lequel le lieu fera lien. Ce lieu qui fera lien sera à la base d’une reconfiguration radicale des espaces de travail et des temps de travail.
Cette reconfiguration sera à la discrétion de chaque tribu et de chaque organisation. Ce lieu qui fera lien sera bien évidemment à l’origine d’un sentiment d’appartenance fort en transformant au passage notre vision rationnelle et contractuelle du travail en une vision plus émotionnelle et relationnelle de nos activités. Pour le dire autrement, le contrat de travail deviendra un pacte de collaboration plus ou moins éphémère plus ou moins dense et intense mais toujours assumé.
Le management néo-artisanal décloisonnera travail et trouvailles !
Le décloisonnement libérateur entre activité personnelle et professionnelle ainsi que le décloisonnement fédérateur entre lieu de travail et lien au travail accélèreront le décloisonnement entre travail et trouvaille ou entre travail et virtuosité ou encore entre travail et talent avec l’idée directrice suivante : on fait plus vite, plus fort et mieux ce que l’on aime faire surtout quand on le fait avec des gens que l’on apprécie dans des lieux choisis et construits. Cette trouvaille redonnera au travail un sens, une cohérence et une sérénité capable de combattre la force et l’ennui de la machine (ordinateurs et autres). Décloisonner travail et trouvailles c’est créer un trait d’union entre l’efficacité et l’ambiance.
Le management néo-artisanal : un nouvel art de vivre ensemble ?
Le management moderne nous a fait vivre ensemble par assemblage mécanique et rationnel. On était les uns à coté des autres ou les uns sur les autres sans être vraiment les uns avec les autres. Le management néo-artisanal et sa philosophie du décloisonnement nous fera vivre non pas les uns sur les autres ou les uns à côté des autres mais les uns avec les autres de manière élective et sélective. Ce management postmoderne nous réunira par vocation ou par passion. Il en résultera des entreprises ressemblant à des tribus avec des signes de différenciation forts pour les étrangers à la tribu et des signes de reconnaissance sacrés pour les membres de la tribu. Cette notion de tribu reconfigurera radicalement le temps et l’espace économique avec à la clé un nouvel art de vivre ensemble.