L´esthétique du manager de demain
L´esthétisation du management est-il l’avenir du management ?
Contrairement à ce qui est souvent dit, l’esthétique dépasse et transcende le discours sur le beau pour incarner également la notion de sensibilité. En ce sens, l´ère postmoderne sera une ère esthétique donc sensible. La naissance et le développement du design a fait émerger l´art de l´esthétique. Tout doit être esthétique aujourd’hui, la casserole, la machine à laver, le stylo…etc. Bientôt, même le management devra être esthétique. En effet, inconsciemment et parallèlement au développement du design, une autre conception du rapport aux autres s´est élaborée. Nos relations cherchent également à « s´esthétiser ». Partout où l´on peut observer des relations denses et intenses propices à des liens solides et pérennes, on constate des relations plus sensibles et moins métalliques, plus transversales et moins hiérarchiques, plus passionnelles et moins contractuelles. Ces styles relationnels, tous plus sensibles et moins métalliques, cherchent à infiltrer par capillarité de l´esthétique dans du fonctionnel.
L´esthétisation passera par la synchronisation du passé, du présent et de l´avenir
Le management postmoderne exigera de vivre intensément le quotidien et l´ordinaire en étant solidement ancré dans la vraie vie sans nostalgie du passé ni idéal pour le futur. Cette vision managériale nécessite une certaine esthétisation de la relation manager-managé. Ce « ré-enchantement » de la relation managériale passe par une esthétisation du temps en synchronisant le plus intelligemment possible le passé, le présent et l´avenir. Cette synchronisation permettra aux managers et à leurs équipes d´emmagasiner de l´expérience, de garder les pieds sur terre et de conserver la tète dans les étoiles. En cinquante ans, le paysage de l´entreprise a changé : Globalement, le paysage économique s´est esthétisé par la diminution de l´industrie lourde, l´augmentation des services et l´introduction massive des nouvelles technologies. Pour autant, l’entreprise classique est encore un organisme prédateur, chasseur, conquérant et agressif avec les limites que l´on connait et que l´on observe.
Le management postmoderne sera moins métallique et plus sensible
L’esthétique du manager. De nouvelles passerelles devront être imaginées pour créer cette esthétisation qui ouvrira demain de nouveaux horizons au management. De plus en plus nombreuses au sein des entreprises, les femmes managers ouvrent la voie à cette esthétisation du management. Les valeurs dites féminines font de plus en plus d’adeptes, y compris chez certains de leurs homologues masculins. Toutes les tendances observées dans le management postmodernes sont des valeurs plus féminines et moins viriles. Le management postmoderne sera résolument sensible. Illustrons cette pensée à travers six passerelles déjà actives.
Du pouvoir à l’autorité :
La pyramide hiérarchique cédera la place aux réseaux et les relations d’autorité (au sens de « faire autorité ») prendront la place des relations de pouvoir (au sens de « pouvoir statutaire et institutionnel »). Un réseau se gère plus comme une famille que comme une armée. Sensibilité et élégance vont donc prendre le pas sur brutalité et arrogance.
De la domination à la fécondation :
Le management moderne était conquérant et prédateur. Il s’inscrivait d’abord dans l’espace. Il pensait par territoire, tous sujets et objets confondus. Le management postmoderne s’inscrira dans le temps, dans la durée. Il ne visera pas la puissance ou le pouvoir mais il cherchera la pérennité, la transmission, la perpétuation de la vitalité et de ses patrimoines…Bref, tout ce dont nous avons besoin…Le management moderne était dans l´instant et le court terme par sa force. Le management postmoderne, beaucoup plus esthétique, sera dans l´instant par sa douceur et dans la durée par sa persévérance.
De la raison à l’intuition :
Les méthodes managériales sont confrontées quotidiennement à une complexité où la raison analytique est de plus en plus impuissante. Nous avons besoin de réhabiliter progressivement d’autres modes de pensée. L’intuition permet de prendre en compte cette complexité et l’intuition est une vertu plus sensible que mécanique esthétisation encore donc !
De la production à la création :
Les gains de productivité devenus inaccessibles doivent être remplacés par des gains de créativité. Mais les processus et les performances de création ne se définissent pas et ne se gèrent pas comme des procédés et des rendements de production. Une autre culture et d’autres valeurs sont indispensables. L’imagination et l´innovation, vertus souvent associées à l´esthétique, seront indispensables et les entreprises qui feront ce pas s’offriront des opportunités.
De l’animal au végétal :
L’entreprise moderne, très mécanique et virile, était un organisme prédateur, chasseur, conquérant et agressif. Elle est éminemment animale dans ses réflexes, dans ses comportements, dans ses organisations. Elle croît et se développe au détriment de son environnement qu’elle exploite jusqu’à épuisement. L’entreprise postmoderne sera, elle, plus végétale préférant la prolifération douce à la conquête violente, préférant la synergie à la prédation, s’inscrivant dans des niches étroites plutôt que dans de vastes territoires. Les rythmes des entreprises diffèreront. Les régulations aussi. Un nouvel écosystème des entreprises métamorphosera complètement le monde économique et cet écosystème postmoderne, plus végétal qu’animal, sera beaucoup plus esthétique que l´écosystème moderne.
De la logique à l’analogique :
La logique classique ne peut traiter valablement que les relations simples et univoques de causes et d’effets. La réalité d’aujourd’hui est infiniment plus complexe. Elle est irréductible à ces seuls modèles. Tout est dans tout. Tout est cause et effet de tout. Au-delà d’un seuil de complexité, d’autres méthodologies s’imposent, plus globales, plus intégrantes. Qu’on les appelle systémiques ou holistiques importe peu. L’essentiel est que ces méthodologies émergentes s’appuient sur des modes de pensée nouveaux, qui privilégient l’analogie et qui cultivent la métaphore, l’allégorie et le symbole. En management postmoderne, l´essentiel ne se dira pas ou ne s´écrira pas. L´essentiel se vivra et s´expérimentera par soucis d´harmonie et d´esthétisme.
Le manager de demain délaissera la planification et se focalisera sur la synchronisation
Le point commun des six ruptures décrites ci-dessus est leur fonction de reliance. On rentre dans un espace économique plus sensible, plus tactile et plus fécond. Il y a comme une esthétisation de l´espace économique. Dans toutes les grandes orientations prises aujourd´hui par nos sociétés ou nos entreprises, la raison métallique cède chaque jour du terrain à une raison plus sensible donc plus esthétique. Les sauts successifs de complexité, dus à l´explosion des acteurs et de leurs interactions sur l´ensemble des marchés économiques, contraignent les managers à passer d´une logique de planification mécanique à une logique de synchronisation. A l´évidence, « l´organique » est un territoire plus esthétique au même titre que « le mécanique » était un territoire plus fonctionnel. Le management moderne était le temps des révolutions avec de grands gourous qui voulaient tout changer, tout dominer, tout gouverner. Ce management là était un management essentiellement viril. Le management postmoderne sera le temps des révélations en dépassant et en transcendant les valeurs viriles par des valeurs plus harmonieuses qui feront émerger un management réconciliant le bien-pensé et le bien être dans le temps et l´espace. Le management postmoderne, loin des grandes idéologies et des grandes planifications, sera un management artisanal de proximité qui s´accompagnera d´un besoin d´esthétisation du quotidien et de l´ordinaire pour ré-enchanter l´entreprise et la relation manager-managé.