Management des organisations : Réflexion de fond sur le pilotage de la performance
En management, comme ailleurs, le problème n’est pas de piloter l’activité à l’aide d’indicateurs clés ou de révolutions technologiques X ou Y. Le vrai problème est de savoir si les indicateurs ou techniques clés choisis ont un réel intérêt c’est-à-dire s’ils fournissent un moteur permettant à la performance de progresser. En partant de cette évidence, anticipons que dans les années à venir, la performance d’une entreprise dépendra principalement :
✗ ce qu’elle stocke dans sa mémoire : sa culture, ses talents, ses compétences, son expérience,
✗ ce qu’elle propose comme projet : sa raison d’être, sa spécificité, son exclusivité, sa virtuosité,
✗ ce qu’elle crée comme vitalité : sa qualité de vie en interne, ses liens denses et intenses avec sa communauté de clients.
Notons que ces trois leviers de performance (mémoire, projet et vitalité) seront très intriqués et donc au cœur des problématiques managériales. En effet, sans mémoire, le projet et la vitalité se dilueront. Sans projet, la vitalité et la mémoire se disperseront. Sans vitalité, la mémoire et le projet se faneront. Pour faire vivre l’intrication de ces moteurs de performance, le management requerra au moins trois langages différents :
✰ le langage de l’intention (on est ensemble pour quoi faire ?)
✰ le langage de l’harmonisation (on s’organise comment pour le faire ensemble ?)
✰ le langage de l’activation (qui fait quoi pour nourrir notre intention et notre harmonie ?)
A travers ces trois langages, une nouvelle répartition des rôles sera nécessaire. Pour animer ces trois types de langages (c’est-à-dire leur donner une âme), les entreprises les plus performantes réuniront trois types de collaborateurs travaillant en fortes interactions :
- 1er type : des collaborateurs ayant un pouvoir c’est-à-dire des hommes et des femmes capables d’arbitrer, de trancher et de décider face au choix que doit nécessairement faire une entreprise
- 2ème type : des collaborateurs ayant une autorité c’est-à-dire des hommes et des femmes capables de développer les savoirs et les savoir-faire de l’organisation afin d’exceller dans le métier de l’entreprise
- 3ème type : des collaborateurs ayant un charisme c’est-à-dire des hommes et des femmes capables de créer de la passion, de l’enthousiasme et de l’énergie au service du projet de l’entreprise
Pour créer une dynamique collective, la clé du succès sera de ne jamais concentrer ces trois ressorts essentiels de la performance dans les mains d’une même personne ou d’un groupe de personnes (comité de direction) au risque de dénaturer et donc de démotiver toutes les autres. Cette concentration (excessive ?) de l’intelligence est certainement à la racine de tous les maux que connait aujourd’hui le modèle hiérarchique qui fut pourtant, à juste titre, le modèle managérial de référence dans un monde très mécanique où les logiques d’assemblages dominaient. En revanche, dans un monde devenu beaucoup plus organique (c’est-à-dire dominé par les logiques d’interactions), ce modèle pyramidale devient inadapté par un manque évident de circulation de l’intelligence dont une entreprise à besoin pour survivre, pour s’adapter, pour renaitre, pour se défendre ou pour se développer.
De quoi dépendra réellement la capacité d’entrainement de ce nouveau modèle managérial ?
En relation avec les leviers de la performance décrits plus haut, la capacité d’entrainement de ce modèle managérial dépendra de sa capacité à mobiliser toutes les dimensions d’un vrai esprit d’équipe, c’est-à-dire :
➢une intelligence collective favorisant et facilitant l’harmonie des collaborateurs et donc leur engagement au service du projet d’entreprise
➢une volonté de transmettre et de servir pour passer de l’intention à l’action
➢un niveau de sensibilité ajoutant de l’inspiration à l’action
➢une mémoire collective permettant de puiser dans le passé des ressources au service du présent et de l’avenir
Le déploiement d’une telle conscience n’est pas une option mais une obligation si l’on souhaite que l’humain reste au cœur des entreprises. En effet, tout système biologique est irrigué par trois sèves ! Une sève qui vise la conquête de nouveaux volumes : Pour une entreprise c’est la fameuse croissance en taille, en CA, en nouveaux territoires, en nouveaux métiers, en nouvelles expertises. Une sève qui vise la conquête de nouvelles formes. Pour une organisation c’est les changements de modèles, de règles, de fonctionnements. Une sève qui vise la conquête d’harmonie et de cohérence des volumes et des formes. Pour une culture d’entreprise, c’est tous les sujets concernant le sens, le projet, la cohésion, la cohérence de l’entreprise. Une remarque doit être au centre de la réflexion: Ces trois sèves s’entre-régulent. En effet, une entreprise ne peut pas croitre en taille, bonifier son organisation et renforcer sa cohésion en même temps. Tout est donc une question de choix et d’équilibre dans le temps !
Ces choix et ces équilibres sont au cœur des problématiques managériales de toutes les organisations et malheureusement trop souvent négligées. Pour alimenter cette réflexion sur ces trois sèves, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que pour innover en management, comme ailleurs, il faut être capable d’inverser le regard sur une problématique donnée. A cet égard, l’observation des organisations les plus performantes démontre que le job d’un manager :
✓est d’abord et avant tout de transformer les wagons en locomotives c’est à dire la volonté (souvent poussive) en désir (force motrice)
✓ pas d’expliquer les choses, mais de les faire vivre. La nuance est de taille
✓est de faciliter et favoriser la prise de risque et la créativité car en management comme ailleurs, quand vous empêchez un collaborateur créatif de l’être vraiment, il devient soit soumis soit rebelle. Dans les deux cas, vous n’obtenez pas toute sa valeur !
✓est de mettre en place des circuits courts (la proximité génère la confiance) et un temps long (la stabilité du management renforce la cohérence)
✓est de remplacer la quantité par la qualité c’est-à-dire de remplacer la productivité par la virtuosité ! C’est la meilleure manière pour que les talents de chacun soient reconnus à leur plus juste valeur
☞ Pour conclure
A la lecture de ces quelques réflexions, on comprend vite que certains managers feront de grands progrès lorsqu’ils comprendront qu’ils n’ont pas à être plus forts que les autres, mais juste plus forts grâce aux autres. Un bon manager (accompagnateur?) est d’abord celle ou celui qui fait prendre conscience à l’autre qu’il est unique en lui donnant donc la confiance nécessaire pour se prendre en main. En management, bienveillance résonne aussi avec exigence car pousser l’autre à aller aussi loin qu’il le peut, c’est lui redonner sa fierté. Cette liaison intime entre exigence et bienveillance explique que le véritable pouvoir d’un manager est de permettre et non d’interdire, de libérer et non d’emprisonner. Un management constructif se nichera donc toujours dans un mouvement permanent entre ce qui a déjà été fait (la réalisation) et ce qui pourrait encore nourrir cette réalisation (l’intention, l’intuition, l’inspiration). Pour mettre en place ces leviers de réflexions ce qui manque le plus dans les entreprises, c’est un profond renouvellement de la manière de travailler ! Mais certaines s’y mettent et elles seront les leaders de demain !
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