Episode 5: petit lexique postmoderne ou le collaborateur de demain
Le manager de demain prendra en compte des comportements paradoxaux
Si une personne de votre entourage vous demande un jour ce qu´est vraiment l´époque postmoderne, répondez lui simplement que c´est tout simplement le retour de tout de ce que la modernité avait écrasé à commencer par le caractère fondamentalement pluriel et multidimensionnel de l´être humain! Notons au passage que ce retour à une identité plurielle et multidimensionnelle est à l´origine de nos comportements parfois paradoxaux en tant que citoyens, salariés parents ou patrons! Le lexique des comportements de l´individu moderne est radicalement différent de celui de la personne postmoderne.
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Le collaborateur de demain: résistant au management
Au creux de ces comportements parfois paradoxaux, on retrouve des phénomènes de fusion, d´effusion et de confusion qui laminent les barrières entre raison et sensibilité, travail et plaisir, vie publique et vie privée, soumission et soustraction, ordinaire et extraordinaire. Ce « floutage » des frontières entre territoires historiquement cloisonnés perturbent nos repères et nos grilles de lecture de managers modernes. Derrière ce décloisonnement presque systématique de ce que la modernité avait soigneusement cloisonné se joue à bas bruit un changement comportemental majeur pouvant être résumé ainsi: l´individu moderne pensait et agissait par soucis de conquête, de maitrise et de domination. La personne postmoderne pensera et agira par soucis d´harmonie, d´appartenance et d´apparence. L´individu moderne avait comme moteur un certain déterminisme. La personne postmoderne aura pour moteur un certain relativisme. A l´aide de ces deux observations, on comprend mieux que les ressorts de la motivation individuelle et collective sont en train de radicalement changer et que ces changements sont en train de balayer toutes les certitudes (dorénavant bien obsolètes) du management centralisé, pyramidal et hiérarchique. A l´évidence, les mots clés de la modernité ne sont plus les mots de passe de la personne postmoderne. Seuls les managers qui intégreront ce nouveau lexique continueront de faire des choses extraordinaires avec des gens ordinaires.
La tète dans les étoiles et les pieds sur terre : Une nouvelle synchronisation de l´espace-temps en management
Partout, en politique, en économie, en management, le défi n´est pas de s´imposer ou de dominer. Le défi est de s´ajuster, de s´immiscer ou de s´incruster quitte à bricoler son existence et se construire une niche dans laquelle on se sent bien ! Pas de grande idéologie, pas de grande stratégie, pas de grand projet ou de grands travaux, toutes ces idées de grandeur appartiennent à l´époque moderne. Le moderne était programmatique. Le postmoderne sera pragmatique! Le moderne était canonique. Le postmoderne sera anomique avec une désintégration des normes et des codes modernes. Le postmoderne ce n´est plus travailler ou jouer, c´est jouer en travaillant : l´ère de la finance. Le postmoderne ce n´est plus l´utile ou l´agréable c´est l´utile et l´agréable : l´ère Apple ou l´ère de la technique esthétique! Le postmoderne ce n´est plus la raison ou la passion : c´est la tète dans les étoiles et les pieds sur terre. Seuls les managers qui intègreront et qui se synchroniseront avec cette désintégration des codes conserveront une autorité aux yeux de leur collaborateur ou de leur équipe. Le management postmoderne consistera plus à accompagner qu´à commander. Ainsi, le manager postmoderne redeviendra ce compagnon qui étymologiquement (com-pagnis) est celui qui vit et partage sa vision avec un autre sans volonté particulière de domination ou d´hégémonie.
Le manager de demain orchestrera des tribus à la fois nomades et enracinées
Pour bien comprendre les paradoxes comportementaux qui accompagnent le passage à la postmodernité que nous somme en train de vivre, remarquons très simplement que la personne postmoderne est à la fois nomade et enracinée ! Enracinée car souvent « accro » à un territoire qui peut être géographique (les origines), technologique (les Geeks), religieux (les fanatiques), culturel (les fans), politique (les militants) mais aussi nomade car mobile et/ou connectée. La personne postmoderne est donc à la fois locale et globale et c´est clairement déroutant! Ce nomadisme, couplé à la vie en tribu (ou en meute), signe un retour en force de l´animal qui sommeil au fond de chacun de nous. On comprend mieux la personne postmoderne quand on la voit à la fois comme une chenille et un paillon c’est-à -dire un même animal avec des visages très différents !
Pour compléter notre petit lexique postmoderne, insistons sur la multi appartenance et multi apparence de la personne postmoderne : Elle est à la fois adulte et enfant, cadre et employée, rebelle et soumise, salariée et indépendante, engagée et obéissante. Cette mosaïque identitaire contraste avec les identités modernes assez stéréotypées par catégorie socioprofessionnelle et explique que l´on ne soit plus fait pour être catalogué dans une seule catégorie. L´homme postmoderne aime se transfigurer et changer de masque. En management, c´est effrayant, déstabilisant et dans le même temps terriblement excitant si l´on parvient à passer des pactes avec l´ensemble des identités de la personne postmoderne!
Le collaborateur de demain: du « rêve d´avoir » au « plaisir d´être » : l’intention change
L´individu moderne avait comme motivation « le rêve d´avoir ». La personne postmoderne a comme motivation « le plaisir d´être ». Cette translation explique que l´on soit passé, par saturation idéologique, du trépied moderne très structurant « Travail-Raison-Futur » au trépied postmoderne très débridé « Plaisir-Imagination-Présent».
C´est cette cohabitation entre les pieds sur Terre (être) et la tète dans les étoiles (le plaisir) qui crée de nouveaux liens entre réel et virtuel (le lien internet), entre physique et symbolique (les marques de luxe) ou encore entre technique et esthétique (les fameux iPhones ou autres Smartphones) avec à la clé le développement d´une nouvelle économie. Il reviendra aux managers postmodernes talentueux d´inventer aussi de nouveaux liens pour réinventer le management. Une chose est certaine : les talents, les créatifs et les performers de demain rejoindront les tribus, les organisations ou les entreprises qui inventeront ces nouvelles formes de management postmoderne pour réconcilier travail et santé, performance et bien être, vie privée et vie professionnelle .
Management postmoderne : Une synchronisation entre intégration et personnalisation
Le risque de la modernité était l´uniformisation. Le risque de l´après modernité c´est l´errance. Aujourd’hui, l´extérieur (notre environnement) change plus vite que l´intérieur (notre esprit, nos habitudes, nos repères) et ca fait peur. Cela crée un décalage, une angoisse, un tournis, une désynchronisation qui fragmentent et qui déstabilisent les gens. Cette fragmentation et cette déstabilisation expliquent une vraie volonté chez la personne postmoderne d´arriver à une harmonie par assemblage de différences. L´harmonie en réalité est toujours conflictuelle entre une force d´intégration et une force d´individuation. Je m´incorpore et je me distingue à la fois. Les managers capables de comprendre, de bâtir et d´animer des équipes autour de ces deux forces contradictoires pourront prétendre avoir des équipes les pieds sur terre et la tète dans les étoiles ! La semaine prochaine, nous continuerons d´explorer les souterrains du management postmoderne en se demandant s´il est encore possible de se construire un quotidien florissant ?