Le management des compétences navigue aujourd’hui entre tension et crispation.
Le rêve de toute organisation dans une période de changements est de voir une vraie rupture dans la façon de faire et dans la façon d’être de ses collaborateurs. Ce rêve est bien évidemment une réaction à une toute autre réalité. En effet, pour l’immense majorité des collaborateurs, l’ambiance a changé. Le terme ambiance ici est utilisé pour souligner le fait que c’est souvent l’atmosphère du moment qui sécrète les idées, les manières de vivre et de faire. On est donc individuellement et collectivement tributaire du climat dans lequel on évolue. En management comme ailleurs, cette constatation explique que tout décalage entre méthode et époque se paie « cash ». Le management dit moderne aimait réduire la réalité pour mieux la dominer quitte à la simplifier ou à la caricaturer. Le management postmoderne aimera, en écho, augmenter la réalité pour mieux la montrer dans toutes ses coutures. C’est ce besoin de loupe sur le réel des choses qui explique le changement d’ambiance. Le prêt à porter privilégie le prêt à penser. Le sur mesure privilégie le prêt à se différencier. L’un enracine. L’autre dynamise. Chacun a ses qualités et ses spécificités. Tout l’enjeu du management postmoderne sera de faire naitre un enracinement dynamique pour conserver les pieds sur terre et la tête dans les étoiles. Pour accompagner cet enracinement dynamique, une autre façon de manager les compétences est certainement nécessaire. Chacun peut en effet prendre le risque de changer sa façon de faire et sa façon d’être s’il est accompagné d’une part et si ce risque n’est pas démesuré d’autre part. Cette façon de présenter les choses, moins incantatoires mais plus stimulante, sera au cœur du management des compétences dans les années à venir.
Les compétences : une histoire de potentiel à déployer ou de conformité à respecter ?
La valeur ajoutée du manager de demain sera en effet de proposer de nouvelles approches pour le management des compétences de ses collaborateurs en particulier pour ce qui est des compétences entrepreneuriales et comportementales. En effet, les nombreuses ruptures qui accompagnent le passage d’un monde moderne à un monde postmoderne viennent bouleverser la donne en matière de savoir, savoir-faire et savoir-être. Les compétences d’hier ne sont plus forcément les compétences de demain. Le monde s’étant mis en mouvement d’innovations rapides, tout se passe comme si l’extérieur (notre écosystème) allait plus vite que l’intérieur (nous dans cet écosystème) ce qui rend caduc la prédictibilité et la « gestion prévisionnelle» des compétences. Il résulte parfois de ce décalage un sentiment d’impuissance qui décourage managers et managés. Un des problèmes du développement des compétences se niche donc dans l’opposition qui existe entre potentiel et conformité.
Expliquons-nous :
Comme potentiel, la compétence est la probabilité d’atteindre un but donné. Ce potentiel est une question de confiance entre un manager et son collaborateur. Comme conformité en revanche, la compétence est le résultat d’un examen selon une norme, un modèle ou des règles. On devine aisément le décalage qui peut exister entre une norme plus ou moins abstraite et un sentiment de confiance au contraire très intime. Il résulte de cette opposition entre potentiel et conformité que le management des compétences repose sur un modèle à suivre pour les uns (école de la conformité) et sur un état d’esprit à insuffler pour les autres (école du potentiel). La nuance est de taille et fabrique des cultures d’entreprises radicalement différentes. La culture dite industrielle repose essentiellement sur un développement modélisé des compétences pour mesurer la conformité alors que la culture artisanale s’inspire d’abord et avant tout d’un état d’esprit pour déployer le potentiel Maitre-Artisan qui existe chez chacun de nos collaborateurs.
La compétence de demain : une valeur d’usage dans une économie circulaire
Pour résoudre cette dialectique entre potentiel et conformité, une autre approche de la notion de compétence est nécessaire : Cette nouvelle approche consiste à considérer la compétence comme une valeur d’usage dans une économie circulaire : ainsi la compétence se connecte, se partage, s’use, se recycle, se prête et s’échange. Cette approche fonctionnelle de la compétence revient à une une libre circulation de la compétence et du bien commun qu’elle représente au service d’une économie décloisonnée et interconnectée. Deux convictions managériales fortes sous-tendent cette approchent fonctionnelle de la compétence : La première de ces deux convictions est que les performances générées par le désir d’entreprendre sont plus solides et plus pérennes que les performances ponctuelles obtenues par la contrainte et dans la douleur. La deuxième conviction managériale forte est que les entreprises qui réussissent à survivre face aux changements sont celles qui savent agir et apprendre en même temps.
Les 3 rôles du manager de demain pour donner de la valeur d’usage aux compétences de chacun
Pour creuser la première de ces deux convictions, disons qu’il existe trois sources principales de désir qui viennent favoriser et faciliter le déploiement d’une potentielle compétence. Alimenter le sentiment que l’on peut avancer efficacement dans son travail est la première de ces trois sources. Le rôle essentiel du manager pour activer cette source sera d’aider l’autre à esquisser son propre chemin pour parvenir à la destination fixée par l’entreprise. Alimenter le sentiment de travailler dans une entreprise exigeante qui favorise une culture d’entraide est la deuxième source de désir favorisant l’expression d’un potentiel. Deux doses d’exigence et une dose d’estime est généralement le bon dosage managérial pour rendre l’individu fier de son œuvre et donc favoriser le passage à l’acte. Alimenter le sentiment que les contraintes et les difficultés rencontrées sont prises en compte pour donner envie de les surmonter est la troisième source de désir capable de favoriser l’expression du potentiel qui existe chacun de nos collaborateurs.
Les 3 pistes d’action du manager de demain pour aider chacun de nous à agir et apprendre en même temps
Parallèlement à ses trois sources de désir que le manager de demain se doit d’alimenter au quotidien, trois pistes d’action permettent de développer ses compétences pour apprendre et agir en même temps. Agir sans attendre de tout maitriser est la première de ces trois pistes. Le management d’hier, c’était « planifier-exécuter-replanifier ». Le management de demain, ce sera « initiative-adaptation-re initiative ». Cet état d’esprit managérial donne des cycles plus courts, mieux synchronisés et donc plus en phase avec la réalité. Savoir réhabiliter l’erreur est la deuxième piste pour développer la capacité de nos collaborateurs à agir et apprendre en même temps. Le risque 0 tue le désir. Il faut le bannir. A l’inverse, l’erreur est responsabilisante, éclairante et stimulante. Il faut donc la provoquer avec toute la bienveillance nécessaire pour faire progresser et ainsi stimuler l’apprentissage. Préférer l’engagement à l’obéissance est la troisième piste. L’engagement est un vrai moteur capable de surmonter les difficultés et les contraintes pour agir et apprendre en même temps. L’obéissance est au mieux une roue de secours flanchant très vite à la moindre difficulté dans l’apprentissage.
Obtenir des équipes autonomes, responsables et créatives : voilà le sens du déploiement des compétences
Les escaliers se montent toujours par le bas et il en est de même pour les niveaux de maitrise d’une compétence donnée. De plus, le potentiel d’ascension n’est pas identique pour chacun de nos collaborateurs. Il ne faut donc négliger aucune marche de l’initiation d’une part et savoir repérer les limites du potentiel d’autre part si l’on souhaite que l’initiation et la progression ne soit pas synonyme de vertige, de combat ou de peur trop importante à digérer. Pour conclure sur le développement des compétences, il est également important de souligner qu’une culture d’entreprise peut s’imager comme une compétence déployée collectivement dans le temps et dans l’espace. En effet, chaque tribu dans le monde postmoderne qui émerge, se caractérisera par un type de compétence qui la différenciera. Elle disposera de talents et de qualités qu’elle s’attachera à cultiver. Il s’agira bien donc d’une réelle culture. Si le développement de cette tribu dépend des circonstances et de son niveau de compétence, il dépend aussi de ce que l’on peut appeler sa vocation. Ses valeurs culturelles seront des indicateurs du sens qu’elle souhaite donner à sa vocation avec deux questions clés pour apprécier la valeur ajoutée de la tribu : Quelle est l’originalité ou la singularité de la vocation ? Quelle est la finalité de cette vocation ? Cet ensemble de tribus et leurs vocations constitueront une donnée capitale pour relever les défis qui sont face à nous. Comme disait Brassens, il n’y a pas d’autre révolution possible que d’essayer de s’améliorer soi-même. Si chacun tente quelque chose, le monde ira mieux. C’est pour cela qu’il est important de trouver la tribu dans laquelle ou pourra exprimer sa vocation personnelle en donnant à ses compétences une valeur d’usage au service du bien commun.
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