Pourquoi avons-nous besoin de nouveaux managers dans le paradigme en devenir ?
La finalité d’une entreprise n’est ni de créer de l’emploi, ni d’enrichir ses actionnaires. La finalité d’une entreprise est de créer de la valeur d’usage et d’enrichir ses savoir-faire. Voilà planté le décor du management de demain. Un management qui tournera le dos au modèle industriel, non par idéologie mais par nécessité, pour se tourner vers un management «fait maison» qui bouleversera le paradigme socio-économique actuel. Ce changement de logique managériale esquissera des formes d’entreprises nécessitant moins de quantité et plus de qualité, moins d’argent et plus de talents, moins de hiérarchie et plus d’énergie. Les leviers de motivation des hommes et des femmes travaillant dans ces entreprises ou organisations néo-artisanales seront également bien différents. Dans le modèle industriel, le salarié recherchait avant tout la sécurité. Dans une logique néo-artisanale, le « maitre-artisan » recherchera avant tout la liberté. Pour creuser la signification et les conséquences de cette nouvelle motivation artisanale, trois mots nous éclaireront : Autonomie, Créativité et Responsabilité. Arrêtons-nous un instant sur le sens à donner à ces trois mots clés pour l’économie de demain.
Autonomie
Peut-être faut-il commencer par dire clairement ce qu’est l’autonomie et ce qu’elle n’est pas. Ce n‘est ni l’absence de contrainte, ni une totale indépendance, ni le manque de contrôle. La notion d’autonomie repose en réalité sur la capacité d’agir et celle de décider. Est autonome celui ou celle qui décide et qui agit. L’ère des entreprises robotisées et standardisées est révolue. L’autonomie va devenir une capacité très recherchée et très appréciée. Le temps du sur-mesure et parfois de la haute couture managériale est devant nous. En management comme ailleurs, la part de voix, pilier du management industriel, va faire place à une voix à part, porteuse d’une nouvelle logique managériale.
Créativité
La créativité sera au centre du management de demain. Notons au passage que la créativité est une source d’autonomie importante car elle permet d’inventer de nouvelles solutions, de nouvelles ripostes ou de nouvelles réponses souvent plus astucieuses et plus efficaces que les précédentes. La créativité est aussi un excellent compagnon durant les périodes de changement et des changements dans un nouveau modèle il y en a toujours : Historiquement, on a surtout appris à mémoriser et à répéter mais moins à inventer, à imaginer et à créer. Cultiver sa créativité, c’est s’entraîner à être créatif comme on s’entraîne pour un sport. Cette comparaison avec l’activité sportive signifie également que la créativité a besoin de résultats et de succès pour être exaltante. Rien ne stimule plus la créativité que la réalisation pratique, concrète et effective des idées émises.
Responsabilité
Autonomie et créativité n’ont de sens que si chacun est responsable de ses actes et de ses résultats. Là encore, il faut préciser ce que veut dire responsabilité. Etre responsable c’est avoir la liberté de faire des choix et ensuite d’assumer ses choix. Il n’y a pas de responsabilité sans liberté et il n’y a pas de liberté sans responsabilité. Ce couple liberté-responsabilité sera au centre du management de demain en rejetant tout assistanat déresponsabilisant et aliénant.
D’où vient aujourd’hui la valeur ajoutée d’un manager ?
Autonomie, Créativité, Responsabilité…à travers ces trois mots, on commence à percevoir les profonds changements du paradigme du manager de demain. Pour se donner la force et le courage d’aller puiser en nous cette nouvelle autonomie, cette salutaire créativité et cette nécessaire responsabilité, osons très franchement et très directement nous poser la question suivante : pourquoi la logique du manager d’hier (qui marchait très bien) ne marchera plus ou beaucoup moins bien demain ?
La raison en est assez simple encore faut-il l’énoncer clairement. Depuis toujours, la valeur ajoutée de chaque métier se construit à partir de deux ingrédients :
- la force, l’énergie et la compétence : partie quantitative de la valeur ajoutée
- l’intelligence, les idées, le talent : partie qualitative de la valeur ajoutée
Quelle est la différence entre une compétence et un talent ?
Dans le modèle industriel qui inspire encore largement la logique managériale d’aujourd’hui, la valeur ajoutée repose essentiellement sur la force quantitative, mécanique et robotique. Ce modèle très normalisé et très standardisé favorise et facilite peu le développement de l’autonomie, de la créativité et de la responsabilité. Ce modèle est basé essentiellement sur la notion de compétence c’est-à-dire l’habileté à utiliser des outils ou méthodes connus face à des situations connues ou similaires. Le passage progressif à une économie néo-artisanale va changer sensiblement de nature de la valeur ajoutée. A l’image des maître-artisans que nous avons tous admirés un jour ou l’autre, chacun de nous aura l’occasion de démontrer l’étendue non pas de ses compétences mais de ses talents c’est-à-dire l’habileté à créer ou trouver des outils nouveaux face à des situations nouvelles. Dans cette nouvelle logique, le talent prendra donc le dessus sur les compétences. L’important ne sera pas de répliquer et de répéter toujours un peu plus de la même chose. L’important sera au contraire de créer, d’inventer ou encore d’imaginer de nouvelles choses. Pour accompagner ce changement, c’est toute l’organisation des entreprises qui mutera dans ses réflexes, ses aptitudes et ses compétences.
Le grand virage des managers est devant nous !
L’esprit maitre-artisan porté par cette nouvelle logique néo-artisanale sera donc aussi un grand virage managérial. On ne manage pas des maître-artisans comme on manage des soldats ou de simples exécutants. Le manager d’hier contrôlait, dirigeait, quantifiait, globalisait comme il est souvent utile de le faire quand les processus sont standardisés et mécanisés. Le manager de demain aura plutôt tendance à sous-traiter ces tâches-là (quand elles sont utiles) pour alimenter, libérer, favoriser ou encore faciliter l’autonomie, la créativité et la responsabilité de ses collaborateurs. A l’évidence c’est un tout autre métier. Les managers de demain seront des hommes et des femmes capables de faire négocier à leurs équipes le grand virage qu’il y a devant nous et que nous devons prendre. Ce seront donc des pilotes déterminés avec un cap inflexible. Ce seront des pilotes avec une vision aiguisée pour décoder l’environnement. Ce seront enfin des pilotes avec du flair pour anticiper les zones de turbulences et renifler la moindre opportunité. Les managers de demain privilégieront toujours, dans leur management, la cohérence à la puissance et l’agilité à la brutalité pour stimuler et entraîner leur équipe.
Les 3 métiers du manager de demain
Le management de demain, contrairement au management agonisant d’hier, sera un modèle ancré dans la vraie vie, comme sont ancrés dans la vraie vie, les maître-artisans et leurs clients. Mais attention, on ne s’improvise pas maître-artisan comme cela. On ne passe pas du prêt-à-porter au sur-mesure en claquant des doigts ! On ne passe pas d’une logique à une autre sans le vouloir ou sans le pouvoir ! Le choix de chacun devra donc être éclairé d’abord, assumé ensuite et pour faire ce choix, il est nécessaire de décoder les trois moteurs qui animeront l’état d’esprit des managers de demain : Vocation, Intelligence et Dépassement. Expliquons-nous !
Vocation
Tous les maître-artisans unissent dans leur métier vocation et action et c’est pour cela qu’ils sont si bien dans leurs baskets ! Unir vocation et action est indispensable pour faire ce que l’on a à faire avec plus de résultats, moins de stress et plus de plaisir. Tout le monde a au moins une vocation (parfois elle est simplement un peu enfouie) et cette vocation doit forcément guider le choix de notre mission si nous souhaitons quitter les illusions d’une économie industrielle dopée par une folle financiarisation des métiers. Faire coïncider mission et vocation sera donc le premier métier du manager de demain.
Intelligence
N’en déplaise aux intellos, l’intelligence c’est d’abord l’art de relier les choses qui ne le sont pas naturellement pour faire émerger quelque chose de nouveau parfois avec de simples bouts de ficelles comme le font si bien les maîtres-artisans. Quelle que soit notre mission, nous avons tous de nombreuses occasions de devenir intelligent. En effet, celui ou celle qui relie des infos ou des données a priori sans lien en faisant émerger une idée ou un projet devient intelligent. Celui ou celle qui relie des valeurs se construit une éthique et devient intelligent aussi ! Celui ou celle qui relie des hommes ou des femmes autour de projets construit des réseaux et devient intelligent encore autrement ! Celui ou celle qui relie ces trois formes d’intelligence devient carrément un génie ! Faciliter et favoriser l’art et la manière de relier les choses pour créer de la valeur ajoutée sera donc le deuxième métier du manager de demain.
Dépassement
Le dépassement ne se limite pas à un effort physique surhumain! Le dépassement c’est d’abord l’art d’aller chercher en soi des ressources, des potentiels ou encore des possibles encore non explorés ou non exploités pour faire mieux que bien ce que nous avons à faire. Voilà résumé simplement la notion d’excellence. Pour être aussi autonomes, créatifs et responsables que les maîtres-artisans, entraînons-nous à l’excellence « fait maison » autrement dit non pas une excellence venant comme un cheveu sur la soupe de l’extérieur mais une excellence, telle une racine pour un arbre, venant de l’intérieur. Etre un booster d’énergie interne pour déclencher cet enracinement dynamique producteur d’excellence sera à l’évidence le troisième métier du manager de demain.
Alors acteur ou spectateur ? Managers, Dirigeants, Entrepreneurs c’est à vous de choisir !
Pour être un acteur de cette nouvelle logique managériale émergente, il est nécessaire de créer ou de se créer de nouveaux repères, de nouveaux piliers, de nouveaux réflexes. Autonomie, Créativité, Responsabilité, Vocation, Intelligence, Dépassement sont des ingrédients, parmi d’autres, qui permettront de construire un nouveau paradigme en management et ainsi transcender et dépasser les limites et les impasses actuelles. Tout changement implique un effort mais cet effort n’est jamais stérile. L’effort a toujours une valeur. Créer n’est jamais facile mais la facilité, c’est bien connu, n’a jamais eu aucune valeur.