Episode 6 : L’âme de la brousse
Le management postmoderne : l’art de se synchroniser avec « l´âme de la brousse »
Si nous devions résumer très simplement les cinq premiers épisodes de notre saga postmoderne, nous dirions que le passage à la postmodernité est un véritable incubateur dans lequel nous constatons des ruptures socioéconomiques radicales avec l´avènement de nouvelles formes de vie en tribu donnant naissance à un nouvel art de vivre ensemble plus fusionnel et émotionnel que rationnel et raisonnable. Ce phénomène « tribal » a bien évidemment des conséquences radicales en management. En effet, ce retour en puissance des humeurs et des affects sur le bon vieux rationalisme et objectivisme, nous fait passer du contrat au pacte, de la raison à l´instinct, du droit chemin au sinueux destin, du savoir vivre au vouloir vivre, du besoin de liberté au besoin d´appartenance, de la communication à la connexion, de l´homogénéisation à la fragmentation, de l´universalité à la spécificité, de la linéarité à la précarité. Cette liste de mutation n´est pas exhaustive, elle est en revanche touffue pour bien illustrer « l´âme de la brousse » qui serpente à la fois au-delà et en deçà des doctrines bien pensantes d´une certaine intelligentsia managériale encore très moderne
La mission du manager de demain : Développer un nouvel art de vivre dans la brousse postmoderne
Dans cette brousse postmoderne et le peu de lisibilité et de visibilité qui la caractérise, comment retrouver un quotidien florissant lorsque l´on est salarié, patron, entrepreneur ou chômeur ? Avant de répondre, soulignons d´abord la gifle que cette question représente pour la modernité ! En effet, la société moderne était basée sur le projet d´une société parfaite ou tout devait être régulé par la loi au niveau d´un état, par le contrat au niveau des entreprises et par l´éducation nationale au niveau des enfants ! La perfection métallique, orchestrée par de grandes institutions centralisées, mènerait-elle au désenchantement ? Laissons chacun répondre en conscience à cette question. Une chose est certaine en revanche : Les injonctions venues « d´en haut » finissent par lasser, d´autant plus que les progrès et les promesses annoncés ne sont pas toujours au rendez vous ! En écho à ces injonctions venues du haut, l´envie de faire de la place aux expressions et aux initiatives collectives, locales et tribales fait chaque jour un peu plus d´ombre aux hiérarchies pyramidales centralisées. La société moderne voulait imposer la loi, le contrat et le formel. Les tribus postmodernes tentent bon gré mal gré d´ajuster la loi et la foi, le contrat et le pacte, le formel et l´informel en sciant au passage les piliers fondamentaux du management moderne.
Réinventer la relation manager-managé pour réenchanter le quotidien dans l´entreprise
« vive le bricolage ! » au sens artisanal du terme, voilà résumé le cri du cœur des organisations entreprenantes d´aujourd’hui. Et oui n´en déplaise aux élites, le management postmoderne c´est du bricolage ! Le management postmoderne répond à aucune recette toute faite ou réchauffée ! Au contraire, ce management haute-couture répond à une vraie envie de réinventer la relation manager-managé. Comme toute envie, elle vient de l´intérieure, elle est parfois débridée mais quasiment irrésistible et irrémédiable. En revanche, s´ajuster à une nouvelle époque demande du temps. C´est pour cela que le management postmoderne parait encore aux yeux de certains exotique, confus ou imprécis !
Le management moderne planifiait des objectifs. Le management postmoderne synchronisera des intentions.
En quoi le management postmoderne peut-il nous aider à ré enchanter notre existence et à retrouver un quotidien florissant? Même s´il existe plusieurs réponses à cette question, l´essentiel réside dans la nature du lien managérial. Le lien managérial moderne était un lien contractuel, hiérarchique et formel reposant sur des objectifs à atteindre et des taches à exécuter ! Le lien managérial postmoderne se tissera en tribu plus ou moins éphémères fondées sur des affects et des intentions denses et intenses scellant des pactes forts ! Remarquons au passage, que l´idée d´intention est plus sensible que l´idée d´objectif qui est un mot plus métallique. Le lien managérial moderne était surtout sur le devoir être. Le lien managérial postmoderne sera essentiellement sur le vouloir vivre, vivre sa passion, vivre sa vocation !
Un projet managérial postmoderne est donc basé sur des affects et des intentions. Un projet managérial postmoderne favorise et facilite un réel engagement personnel au détriment d´une obéissance collective de façade. Un projet managérial postmoderne se fraye un chemin entre la société qui se dit (les médias, les élites, les gens d´en haut) et la société qui se vit (les gens ordinaires qui font des choses extraordinaires) et c´est de cela dont nous avons réellement besoin pour manager la désillusion et le désenchantement dont nous sommes tous potentiellement victime en cette période de saturation idéologique dans laquelle nous baignons.
Le manager de demain devra être une force d´interposition entre des contextes d´entreprise toujours plus complexes et des équipes toujours plus déroutées et ébranlées par ces contextes
Manager demain: Imaginez le réel?
On le sent bien, il y a dans ce lien managérial postmoderne à la fois un retour au réel et paradoxalement un besoin d´imaginaire ! C´est peut être cela le pacte postmoderne ! Le besoin de s´inventer, de se construire et de vivre un autre réel ! Pour réinventer et redessiner le réel, le manager postmoderne doit devenir une forme d´interposition. En effet, un management performant n´obéit pas au contexte ou à la conjoncture. Quel que soit le contexte ou la conjoncture, le besoin de management existe. Ce qui change, en revanche, ce sont les registres sur lesquels le management doit se caler pour que ce management soit perçu comme pertinent, cohérent et consistant. L´engagement des collaborateurs est une affaire d´époque et de circonstance. En 2013, un collaborateur ne s´investit pas dans son travail pour les mêmes raisons et dans les mêmes circonstances qu´il y a quelques années. Comprendre et s´adapter aux leviers de motivation actuels est clé pour mettre en place un management porteur de sens. C´est précisément pour redevenir un porteur de sens que le manager postmoderne doit devenir une force d´interposition entre des contextes d´entreprise toujours plus complexes et des équipes toujours plus déroutées et ébranlées par ces contextes. C´est même cette capacité d´interposition en situation complexe qui fera la légitimité et la crédibilité du manager postmoderne.
Le manager postmoderne sera à la fois vrai et hors du commun
Le manager postmoderne c´est celui qui est à la fois hors du commun et vrai ! C´est comme s´il devait imaginer le réel ! Être à la fois hors du commun et vrai, voilà peut être une définition très postmoderne du leadership. Mais n’anticipons pas et reparlons-en dans le prochain épisode ! A la semaine prochaine donc !