Capital Humain : Quelle est votre part de marché sur le segment des talents ?
Loin d’être une élucubration, cette question sera au centre des préoccupations des DRH de demain. La mutation en cours de notre paradigme socioéconomique renverse, année après année, les logiques de notre vieille économie industrielle et transforme en profondeur les logiques de management du capital humain. Sans que cela soit clairement formalisé ou modélisé, la simple observation montre que l’entreprise d’hier avait plutôt une logique linéaire basée sur le salariat, l’uniformisation et la standardisation du capital humain. L’entreprise de demain aura une logique plutôt circulaire. Cette nouvelle logique sera basée sur l’ « artisanalisation », la personnalisation et la spécialisation du capital humain. Dit autrement, l’économie linéaire nécessitait des ressources, beaucoup de ressources. L’économie circulaire nécessitera des talents et du re-nouveau ! Ce changement de logique s’explique par le passage progressive d’une ambition quantitative (souvent visée plus rarement atteinte par l’économie linéaire) à une performance qualitative (souvent vécue par les acteurs de l’économie circulaire : L’enjeu économique de la prochaine décennie est donc de mobiliser des leviers capables de faire passer l’entreprise d’un modèle « capital intensive » à une culture « people intensive » ! Évidemment, ce défi nous oblige à inventer les méthodes, modèles et outils qui devront soutenir cette mutation. Et qui de mieux placer que le DRH pour mettre en œuvre cette open innovation socioéconomique ?
Le DRH de demain pilotera le capital humain pour mettre en œuvre la nouvelle logique économique
Que signifie concrètement ce changement annoncé de logique économique ? Sans que n’ayons encore toutes les réponses à cette question, les tendances en cours montrent qu’il influencera en profondeur la forme des entreprises et qu’il épousera astucieusement les nouveaux leviers de motivation des hommes et des femmes travaillant au sein de ces entreprises. Dans l’économie linéaire, le salarié recherchait avant tout la sécurité. C’était l’époque des contrats et de sa star : le CDI. Dans l’entreprise de demain et l’économie circulaire, les talents rechercheront avant tout leur liberté et leur accomplissement. Des pactes plus ou moins éphémères mais denses et intenses se substitueront aux longs fleuves tranquille des contrats à durée indéterminée. Deux paramètres forgeront les méthodes, modèles et outils régissant ces pactes d’un genre nouveau : le nomadisme et le tribalisme du capital humain d’aujourd’hui et de demain. Préférer l’engagement à l’obéissance, l’intensité à la durée et l’intégration collective à la distinction individuelle, voilà ce que les DRH de demain devront accepter pour « dealer » des pactes denses et intenses. C’est presque une évidence mais encore faut–il l’admettre : Quand les ressorts profonds de la motivation mutent, les méthodes, les modèles et les outils pour trouver, attirer, séduire, former et rémunérer le capital humain doivent muter aussi. Pour guider cette nécessaire refonte de gestion de ce précieux capital humain, trois mots éclaireront toute la logique du DRH de demain : Autonomie, Créativité et Responsabilité. Arrêtons-nous un instant sur le sens à donner à ces trois « mots de passe » pour que le DRH de demain puisse orchestrer une complémentarité des talents capable de définir la marque employeur et produire de la préférence client !
L’autonomie : une réponse adaptée au nomadisme des talents
Étymologiquement, l’autonomie vient du grec auton (soi-même) et nomos (loi, règle) : fixer soi-même sa propre règle, sa propre norme sans vivre dans le regard ou le jugement des autres. L’autonomie signifie donc être soi-même dans un cadre réglementé et contraint. L’autonomie n’est donc pas l’indépendance. L’autonomie repose en réalité sur la capacité d’agir et de décider dans un cadre donné. Contrairement à l’indépendance, l’autonomie ne s’affranchit pas du devoir de rendre compte. Au contraire, celui qui est autonome est généralement très fier de rendre compte de sa capacité à agir et à décider malgré les contraintes et les obstacles qu’il rencontre dans sa mission. Plus que jamais les entreprises ont besoin de l’engagement de leurs salariés. La concurrence exacerbée, que la crise ne fait que renforcer, exige que chacun apporte dans son travail bien plus que ce qui est écrit dans les contrats. Ce n’est pas seulement un travail qui est attendu, c’est une participation active et déterminée à l’action collective, à la vie de l’entreprise, à l’effort permanent nécessaire. C’est cela l’autonomie. Nous nous investissons toujours, à de rares exceptions près, quelque part dans quelque chose, généralement dans un lieu et pour une cause qui nourrit notre autonomie. Qu’offre aujourd’hui l’entreprise à ses salariés pour nourrir cette autonomie créatrice de valeur ajoutée ? Souvent peu de chose à vrai dire ! C’est ce cadre de travail autonome que doit favoriser et faciliter le DRH de demain pour gagner la confiance et l’engagement du capital humain de l’entreprise. La mise en œuvre de ce cadre de travail favorisant l’autonomie passe un désossement progressif des modèles managériaux souvent trop rigides et trop coercitifs.
Les talents placeront la créativité et l’intuition au centre de leur logique
La créativité sera au centre de la nouvelle logique économique. Notons au passage que la créativité est une source d’autonomie importante car elle permet d’inventer de nouvelles solutions, de nouvelles ripostes ou de nouvelles réponses souvent plus astucieuses et plus efficaces que les précédentes. La créativité est aussi un excellent compagnon durant les périodes de changement et de mutation. S’inscrire et se projeter dans un nouveau modèle économique c’est donc forcément cultiver sa créativité, voilà ce qu’on parfaitement assimilé les talents de demain. L’entreprise linéaire nous a surtout appris à mémoriser, à répéter et à standardiser mais moins à inventer, à imaginer et à créer. Cultiver sa créativité, c’est s’entraîner à être créatif comme on s’entraîne pour un sport. Cette comparaison avec l’activité sportive signifie également que la créativité a besoin de résultats et de succès pour être exaltante. Rien ne stimule plus la créativité que la réalisation pratique, concrète et effective des idées émises. Voilà une ligne de force qui devra guider les réflexions des DRH sur les modèles d’organisation, de rémunération et de formation pour attirer les talents de demain et régénérer, dans la durée, la vitalité du capital humain de l’entreprise. Pour faciliter et favoriser cette salutaire créativité, le DRH de demain créera des espaces de vie dans les entreprises. Il réinventera le temps et l’espace de travail en décloisonnant ce que l’économie linéaire avait soigneusement cloisonné : professionnel/personnel, lieu/lien, travail/jeu.
Réconcilier liberté et responsabilité pour donner du sens à l’autonomie et à la créativité
Autonomie et créativité n’ont de sens que si chacun est responsable de ses actes et de ses résultats. Là encore, il faut préciser ce que veut dire responsabilité. Être responsable c’est avoir la liberté de faire des choix et ensuite d’assumer ses choix. Il n’y a pas de responsabilité sans liberté et il n’y a pas de liberté sans responsabilité. Ce couple liberté-responsabilité adapté au management des talents et du capital humain prend tout son sens. En effet, une des responsabilités du DRH de demain, pour augmenter la part de marché de son organisation sur le segment des talents, sera d’offrir à chaque talent la liberté et la responsabilité de s’approprier son travail, son savoir-faire, ses clients, ses résultats et ses performances sans faire ressentir le poids d’un « corporate » (forcément ?) accapareur et centralisateur.
Les talents deviennent des clients : C’est cela aussi le pari du capital humain et de la marque employeur
Autonomie, créativité, responsabilité, à travers ces trois mots, on commence à bien percevoir les profonds changements de motivation qui structureront le capital humain des organisations de demain. Pour se donner la force et le courage d’aller puiser dans cette nouvelle autonomie, cette salutaire créativité et cette nécessaire responsabilité, les sources même de la compétitivité de demain, osons très franchement et très directement dire que le DRH de demain deviendra par sa vision, son profil et son leadership, l’artisan du changement radical de logique économique et humaine des entreprises. C’est en effet, sous son impulsion que toute l’organisation évoluera dans ses réflexes, ses aptitudes et ses compétences vis-à-vis de ses salariés. Répétons-le, nous allons progressivement passer d’entreprises « capital intensive » à des entreprises « people intensive ». Cette transformation fera du capital humain le sésame de la différenciation des produits et des services pour fabriquer de la préférence client. L’avènement de ce « capital humain augmenté » sera aussi un grand virage managérial. On ne manage pas des talents comme on manage des soldats ou de simples exécutants. Le manager d’hier contrôlait, dirigeait, quantifiait, globalisait comme il est souvent utile de le faire quand les processus sont standardisés et mécanisés. Le manager de demain aura plutôt tendance à sous-traiter ces tâches-là pour alimenter, libérer, favoriser ou encore faciliter l’autonomie, la créativité et la responsabilité du capital humain. Qui, là encore, de mieux placé que le DRH pour impulser ce grand virage managérial.
Le DRH de demain impulsera un effort de vie pour ancrer l’organisation dans la vraie vie !
Pour attirer des capitaux humains et des talents connectés à la nouvelle logique économique, il est nécessaire de créer de nouveaux repères, de nouveaux flux et de nouveaux réflexes au sein même des organisations et des entreprises. Tout changement implique un effort de vie mais cet effort n’est jamais stérile. Un effort de vie a toujours une valeur et trouve très souvent un juste retour. Créer n’est jamais facile mais la facilité, c’est bien connu, n’a jamais eu aucune valeur. Cet effort de vie pourrait être résumé par un acronyme symbolisant à merveille une puissante source énergétique : ADP (l’ADP est une source d’énergie cellulaire bien connue des biologistes)
- A pour symboliser la nouvelle Action des DRH au sein des entreprises. Une action guidée par la volonté de nourrir le capital humain plutôt que de le contrôler ou le calibrer !
- D pour symboliser le nouveau Déploiement du capital humain au sein de l’entreprise. Ce déploiement recherchera la reconnaissance et la dignité des savoir-faire et des talents mis en œuvre plutôt que la reconnaissance et la dignité des statuts et des privilèges.
- P pour la nouvelle présence au travail que les DRH offriront aux talents de demain. Cette nouvelle présence aura 3 intentions : s’élever plutôt que s’étaler (dans de vastes et somptueux bureaux), échanger collectivement plutôt que de s’exhiber individuellement et apprécier la qualité plutôt que consommer de la quantité.
Éveiller ou réveiller la vitalité du capital humain qui germe au fond de nous, voilà la vraie feuille de route des DRH de demain pour augmenter significativement la part de marché, sur le segment des talents, des organisations ou des entreprises qu’ils pilotent.