Management des époques : les 30 glorieuses, les 30 piteuses…puis les 30 joyeuses ?
Management de notre époque : quoi de neuf au fond ?
Après les « 30 glorieuses » (déjà loin derrière nous), certains disent que nous vivons à présent les « 30 piteuses ». Du coup (comme toujours en période de crise) partout et en tout émerge dans notre société du neuf, de l’inédit et de l’inouï pour le pire comme pour le meilleur. Tous ces germes socio-économiques ont en commun de nouvelles façons de faire et de vivre avec, à la clé, de nouvelles règles et de nouvelles organisations. Toute cette transformation socio-économique véhicule la sensibilité, les croyances et les valeurs du moment. Pour illustrer de manière très concrète nos propos, remarquons par exemple que la capacité des jeunes générations à travailler ensemble surprend les générations plus âgées biberonnées au travail solitaire et à la compétition. A l’évidence, nos enfants sont plus réceptifs à l’altérité et font naitre à travers cette capacité de nouvelles formes de solidarités. A leur tour, ces nouvelles formes de solidarités font émerger de nouvelles formes de fécondités en privilégiant l’utile au futile (réussir sa vie plutôt que réussir dans la vie), la passion à la raison (créer son job plutôt que de chercher un job) ou encore les interactions aux injonctions (fonctionner en mode réseau plutôt qu’en mode hiérarchique)
Management de notre époque : significations et intentions
Les nouvelles générations veulent être différentes des autres mais avec les autres (le temps des tribus) alors que les générations plus anciennes voulaient être différentes des autres mais plutôt contre les autres (le temps des individus). Cette évolution comportementale s’accompagne d’un passage d’une certaine rigidité, incarnée par le triptyque « Egalité-Liberté-Fraternité » venu d’en haut, vers une certaine agilité, incarnée par la recette « Diversité-Personnalité-Solidarité » façonnée par les gens d’en bas. A l’évidence, le modèle universel s’éteint à petit feu. Diversité oblige, le réel (d’en bas) se refuse désormais à rentrer dans le modèle (venu d’en haut). Tout se passe comme si le rapport de force s’inversait. Aujourd’hui ce n’est plus le modèle qui exige du réel de se conformer mais bien le réel qui demande au modèle de s’adapter. Au fond, le besoin de transparence, de proximité ou encore de confiance s’explique par un besoin, devenu presque irrépressible, de combler l’écart entre ce qui se dit « en haut » et ce qui se vit « en bas ».
Management de notre époque : entre nostalgie, utopie et démagogie, ça tangue !
Cette tendance à l’œuvre, partout et en tout, explique qu’il n’y a plus d’institutions universelles ou naturelles aux yeux du plus grand nombre mais simplement des réels, cohabitant ici et là, souvent de nature et de culture bien différentes en engendrant donc un ordre naturel et culturel bien différent également. A l’évidence, nous sommes passés d’un modèle socio-économique homogène à un réel socio-économique en mosaïque. C’est cette fragmentation, cette dislocation de l’universel qui heurte aujourd’hui notre sensibilité, habitués que nous sommes à répondre à des standards (encore ?) profondément ancrés dans l’inconscient collectif. La période dans laquelle nous sommes désormais entrés se situe parfois dangereusement entre deux époques. Comme chaque fois en période de turbulence, plusieurs forces antagoniques sont à l’œuvre et il n’est pas toujours très simple de se situer entre la tentation de la nostalgie (c’était mieux avant), l’envie d’utopie (ce serait mieux si c’était autrement) ou encore le démon de la démagogie (je rase gratis si vous votez pour moi !).
Management de notre époque :
se protéger ou en profiter ?
C’est bien connu, nous ne sommes pas tous égaux face aux changements. Les uns montent des murs pour s’en protéger alors que d’autres fabriquent des moulins pour profiter du vent qui se lève ! Dans tous les cas de figure, l’art de conduire le changement pose question. En effet, comment générer de nouveaux codes pour accompagner les nouvelles croyances, les nouvelles confiances, la nouvelle foi qui traversent nos sociétés ? Les réponses à ces questions sont d’autant plus complexes que l’on sait déjà que les réponses universelles sont à écarter puisqu’usées jusqu’à la corde. Pour parler vrai, disons que la majorité d’entre nous se sent aujourd’hui comme dans un tunnel éclairé c’est-à-dire à la fois emprisonné et libéré : emprisonné par des modèles encore à l’œuvre mais de moins en moins opérants, libéré par la prise de conscience qu’il ne faut plus rien attendre du haut mais que c’est désormais à chacun de se choisir ses priorités. D’un côté donc, la sensation de traverser un long tunnel sans fin avec la désagréable sensation de ne jamais en finir avec le système. De l’autre côté, une envie de s’échapper du système pour entrevoir la lumière mais avec la peur de devoir se débrouiller sans le système. Au fond, le choix que nous propose notre époque est un choix assez cornélien pouvant se résumer ainsi : entre les certitudes d’une sécurité « paisiblement pénible » et « l’incertitude d’une liberté » toujours excitante mais exigeante, que dois-je choisir ?
Management de l’époque à venir : prêt pour les 30 joyeuses ?
Ce principe de profonde incertitude (et ses conséquences sur la vie de chacun) a caractérisé les « 30 piteuses » que nous venons de vivre. Cette époque de profond doute a succédé aux « 30 glorieuses » et son deal « production contre protection » et précèdera peut-être les « 30 joyeuses » à condition d’accepter le deal liberté contre responsabilité ! En effet, la marque de l’époque émergeante sera certainement de réconcilier liberté et responsabilité. Sans trop de risque de se tromper, nous pouvons affirmer que toutes les conditions sont désormais réunies pour que liberté et responsabilité redeviennent les deux faces d’une même médaille. A partir du moment où vous ne pouvez plus rien attendre du haut (et ce sentiment traverse aujourd’hui largement nos sociétés déboussolées), que représente la responsabilité si ce n’est la capacité de décider et d’assumer à la place des gens d’en haut ? A travers ce prisme, la notion de responsabilité devient alors immédiatement un synonyme de la notion de liberté !
Management des 30 joyeuses : les principaux défis
Quoi de plus libérant que la capacité de décider et d’assumer ? Rien ou presque…en tout cas pour toutes celles et tous celles qui se font une certaine idée de la joie de vivre. Joie de vivre, le mot est prononcé. Oui, le défi de demain est là ! Pourquoi est-ce un défi ? C’est un défi d’abord parce que l’incertitude est là et se convertir à la joie de vivre dans l’incertitude n’est pas chose aisée. C’est un défi ensuite car nous confondons trop souvent plaisir, bonheur et joie de vivre. Rappelons que ces trois notions sont très différentes : le plaisir se consomme, le bonheur se reçoit et la joie de vivre se construit. On retrouve dans cette singularité de la joie de vivre, la notion de responsabilité-liberté que nous avons abordée plus haut. C’est un défi enfin car la joie de vivre c’est comme l’élégance, c’est ce tout petit rien (dans le sens où cela est souvent indicible) qui change tout !