Planification vs synchronisation : deux regards sur le temps en management
Management du temps : quoi de neuf ?
Dans les entreprises, l’essentiel n’est plus de savoir si le temps sera beau demain. L’essentiel est que, quel que soit le temps demain, on soit performant ! Voilà résumé toute la différence entre planification (prévoir le temps) et synchronisation (s’adapter au temps). Dans un monde de plus en plus complexe donc de plus en plus imprévisible, le business plan des entreprises passera de l’art de prévoir à l’art de s’adapter. Dans chaque entreprise, cette mutation s’accompagnera d’un état d’esprit agile consistant à toujours faire le même métier mais jamais de la même façon. C’est ainsi que le marché du travail basculera de la recherche des compétences (c’est-à-dire déployer des outils ou des méthodes connus face à des situations connues) vers la recherche de talents (c’est-à-dire créer des outils ou des méthodes pour faire face à des situations nouvelles).
En management, comme ailleurs, l‘écart entre les modèles et le réel se creuse !
Comment expliquer que ce changement de paradigme entre planification et synchronisation reste encore discret dans le management des organisations ? Tout simplement par le décalage qui existe entre la formation des élites et la réalité des faits. En effet, nos dirigeants sont assurément des gens intelligents travaillant (parfois) dur mais ils apprennent ou maitrisent des choses en voie d’extinction. L’exemple le plus flagrant est que leur logiciel très mécanique stipule le plus souvent que si A donne B alors B donnera C. L’ennui est que dans la vraie vie, cela ne se passe généralement plus comme cela. Dans la majeure partie des situations aujourd’hui, c’est plutôt A qui rencontre B pour finalement donner naissance à C et C a généralement trois caractéristiques : il est inéluctable, irrémédiable mais oh combien imprévisible ! Tout ce changement de logique déroute les élites et explique que la synchronisation (l’art de faire avec ce qui arrive) s’imposera à la planification (l’art de planifier les choses prévisibles) et donc que la domination (l’art de maitriser les choses) sera remplacée par la fécondation (l’art d’optimiser les choses).
En management, préférez-vous la destination ou le voyage ?
Si la planification est l’art de la destination, la synchronisation est l’art du voyage. Dit autrement, si la planification nécessite de savoir où l’on va et de figer l’itinéraire pour y aller, la synchronisation nécessite de savoir ce que l’on veut sans forcément savoir où l’on va pour faire les arbitrages d’itinéraire quand l’imprévu arrive. Cette différence profonde de nature entre planification et synchronisation est la source de la transition en cours entre le management quantitatif et le management qualitatif. En effet, hier dans un environnement relativement stable donc assez prévisible, la stratégie d’une entreprise était basée sur la maitrise du quantitatif au point d’affirmer qu’on ne manage que ce que l’on mesure. Demain, la stratégie d’une entreprise sera basée sur la maitrise du qualitatif car chacun s’apercevra que dans un environnement imprévisible, la sensation est plus fiable que la prévision !
Le management de demain construira un pont entre la planification et la synchronisation
Pour aller plus loin dans l’analyse de ce grand virage qui s’amorce entre management quantitatif et management qualitatif, précisons encore que la planification en entreprise repose sur des techniques de juxtaposition du temps et des taches soumises à de plus en plus d’aléas. La synchronisation, quant à elle, repose sur des techniques d’harmonisation des formes (d’organisation) et des durées (de situations) répondant par boucles rétroactives aux aléas. A l’évidence, gérer la complexité du temps en management signifie dépasser les techniques de planification (sans les négliger) pour entrer dans les pratiques de synchronisation.
Management : le temps prévu vs le temps vécu !
La plupart des entreprises agiles et performantes aujourd’hui ont compris une chose : Ce qui donne de la valeur au temps ce n’est pas son écoulement mais ce que l’on en fait ! Le prix du temps standard (celui que l’on mesure) et la valeur du temps vécu (c’est-à-dire ce que l’on fait de notre temps) sont deux notions très différentes. Avec la montée en puissance de l’économie immatérielle et le déclin inéluctable de l’économie industrielle, le problème de demain ne sera plus la productivité (quantité produite par unité de temps) mais l’effectivité (qualité produite par unité de rémunération). Cette nécessité impliquera moins de planification (c’est-à-dire un découpage standard du temps) et plus de synchronisation (c’est-à-dire jouer avec la valeur du temps). A son tour, ce basculement de la planification vers la synchronisation impliquera un basculement du management quantitatif vers un management beaucoup plus qualitatif. En effet, le management quantitatif nait toujours de la fragmentation, de la division et de la confrontation avec un étalon arbitrairement défini se mariant parfaitement avec les techniques de planification. Le management qualitatif, quant à lui, naît d’émergences non additives, mais multiplicatives, synergiques en phase avec les techniques de synchronisation.
En management, la planification est une compétence, la synchronisation est un talent !
Dans les organisations aujourd’hui, le problème n’est pas de piloter l’activité à l’aide d’indicateurs clés. On peut toujours en trouver presque autant que l’on en veut ! Le vrai problème est de savoir si les indicateurs clés choisis ont un réel intérêt c’est-à-dire s’ils fournissent un moteur permettant à la performance de progresser. La planification est une technique qui assemble des taches avec du temps. La synchronisation est une recette qui fait émerger des initiatives dans la durée. Ce changement de logiciel, fera dans les années à venir cohabiter dans les organisations, la planification et son art d’anticiper les choses prévisibles en les optimisant avec la synchronisation et son art d’accueillir les choses imprévisibles et de les optimiser ! Cette compétence (la planification) et ce talent (la synchronisation) se combineront alors pour se permettre peut être le plus grand luxe qui soit : s’affranchir du temps !