Management mécanique : Il est où le hic ?
Management mécanique ou l’art d’accoucher de conclusions absurdes !
En management, comme ailleurs, quand on observe un phénomène organique avec un regard mécanique on peut aboutir à des conclusions absurdes. Pour comprendre la source de cette absurdité, prenons l’exemple illustratif suivant : Vous connaissez certainement l’expression « ouvrir le parapluie » signifiant (pour faire court) que l’on se dégage de sa responsabilité pour la faire porter sur un autre ou sur autre chose. Imaginons maintenant un manager qui pour se couvrir étudie scrupuleusement les corrélations entre pluie et parapluie. Il notera certainement que quand il pleut, les parapluies s’ouvrent mais il pourrait également noter que les parapluies sont ouverts quand il pleut (ce qui est vrai). Le problème est que certains tireront de cette dernière observation, la conclusion totalement absurde que les parapluies ouverts peuvent provoquer la pluie ! Cet exemple évidemment caricatural a au moins un mérite : Celui de nous rappeler qu’en milieu complexe (et une entreprise est un milieu complexe), ce n’est pas parce que deux choses arrivent en même temps que l’une a forcément provoqué l’autre.
Management mécanique ou l’art de penser que la monnaie précède la richesse !
Pour poursuivre notre analyse sur les dangers d’une observation mécanique d’un processus organique, arrêtons-nous un instant sur la mesure de la performance en management. Cette mesure est à l’évidence une des obsessions les plus aigües du management dit moderne. Il est d’ailleurs bien étrange de constater que cette obsession précède souvent l’obsession d’être performant, un peu comme si on pensait que la monnaie pouvait précéder la richesse. Cette obsession de tout mesurer est d’autant plus stérile, que la science nous a appris qu’il est impossible d’expliquer une dynamique par une approche analytique (c’est le fameux principe d’incertitude parfaitement démontré par Heisenberg en 1926 !). Pour rappel, il résulte de ce principe d’incertitude que la précision analytique (les fameux KPIs…) et la compréhension holistique (la performance dans son ensemble) se rejettent mutuellement car il est impossible, en même temps, de comprendre la logique du Tout et de mesurer les caractéristiques d’une partie isolée. Tout manager digne de ce nom a pu vérifier ce principe d’incertitude en ayant été confronté, au moins une fois dans sa vie, à des indicateurs « au vert » et des performances « dans le rouge » !
Management mécanique: comprendre l’autre ce n’est pas décrire l’autre !
Ce dilemme entre management analytique de la performance et management holistique de la performance implique que comprendre l’autre (sa dynamique, son élan ou au contraire son inhibition ou ses freins) ne se résume jamais à décortiquer ou mesurer l’autre (par tout un tas de critères plus ou moins isolés les uns des autres). Ce dilemme entre décrire la performance de l’autre (par des KPIs) et faciliter ou favoriser la performance de l’autre (en expliquant la logique du tout) influencera l’évolution du management de demain. En effet, par nature, le management quantitatif et ses fameux tableaux de bord imposent un découpage factice, artificiel et inadéquat de la performance alors que la vraie performance nait toujours d’un tout qui est justement supérieur à la somme de ses parties et irréductible à tel ou tel paramètre. L’erreur de raisonnement du management quantitatif est de croire que l’on peut modeler un métier à travers quelques KPIs.
Or, la simple observation de la « vraie vie » montre que dans une équipe donnée et pour une mission donnée, les collaborateurs exercent toujours le même métier mais jamais de la même manière. Vouloir les comparer entre eux avec les mêmes KPIs est donc tout simplement réducteur et artificiel. Fort de cette observation, parions sans risque de se tromper que tant que les managers règleront la « vie à bord » par l’intermédiaire de « tableaux de bord », ils resteront « offshore » c’est-à-dire de simples managers écrans…
Les deux échelles du management : l’une compte, l’autre relie
En management, comme ailleurs, le problème n’est pas de piloter l’activité à l’aide d’indicateurs clés. On peut toujours en trouver presque autant que l’on en veut. Le vrai problème est de savoir si les indicateurs clés choisis ont un réel intérêt c’est-à-dire s’ils fournissent un moteur permettant à la performance de progresser. Avant d’aller plus loin, rappelons que la substance (les effectifs), la forme (organisation des effectifs) et le mouvement (dynamique des effectifs) sont disséqués dans un management mécanique alors qu’ils sont imbriqués dans un management organique. Dans le premier cas (management mécanique), le tout est donc considéré tout juste égale à la somme des parties (voir moins) alors que dans le deuxième cas (le management organique), le tout est bien plus que la somme de ses parties et c’est justement cette synergie qui crée de la valeur. Ces deux visions, au fond radicalement différentes, s’explique par l’utilisation de deux échelles différentes. Le manager mécanique utilise une échelle quantitative. Cette échelle compte en faisant des additions, des multiplications, des répartitions, des distributions…etc. Le manager organique utilise une échelle qualitative. Cette échelle-là ne compte pas, elle relie en créant des interférences, des résonnances, des attractions, des reliances…etc. Il ne faut donc jamais confondre ces deux échelles et si possible s’en servir de manière adéquate en comprenant qu’en réalité c’est l’échelle qualitative qui réorganise et redynamise l’échelle quantitative et non l’inverse.
En management, on ne compense jamais de l’« organique » par du « mécanique » !
Souvent dans les entreprises, le réflexe est de compenser les déficiences organiques (volonté, talents, passion, persévérance…) par des artifices mécaniques (procédures, KPIs, standards…). Malheureusement, cette compensation ne solutionne pas le problème, elle l’aggrave ! En effet, chaque fois que l’on injecte de la mécanique dans de l’organique on affaiblit le système organique : il suffit de comparer notre temps de vie avec un vrai cœur (système organique et vivant) et un cœur artificiel (système mécanique et inerte) pour le comprendre ! Malgré cette évidence, force est de constater que la plupart des techniques, modèles et méthodes de management encore majoritairement enseignés dans les grandes écoles et les universités ne fonctionnent que dans un monde mécanique, c’est-à-dire stable, connu, rudimentaire, peu interactif, prévisible, planifiable, réductible bref dans un monde où un et un font deux et jamais trois ou zéro. Le hic de ce management mécanique est que les sauts de complexité engendré par la globalisation et la numérisation des pratiques, a engendré un monde où l’organique l’emporte désormais largement sur la mécanique. Dit autrement les interactions entre les choses ont maintenant plus d’effet que les choses elle-même ! Le jeu économique des fusions acquisitions est un exemple, parmi d’autre, pour nous rappeler que désormais le tout ne s’explique plus par la somme de ses parties pour le meilleur (les synergies) et pour le pire (la casse sociale).
Le management de demain : moins de mécanique, plus d’organique !
Avec cette nouvelle grille de lecture, on comprend dès lors que le secret du management de demain se niche dans la capacité de cultiver au maximum l’organicité des systèmes avec le moins de mécanicité possible. Voilà décrit le management agile, le management créatif, le management réticulé de demain. Pour passer d’une approche mécanique à une approche organique, le management de demain cherchera moins à « disséquer » les choses et cherchera plus à « relier les choses ». Avec ce nouvel état d’esprit, le management deviendra parfois moins arrogant, parfois moins charitable, souvent plus efficient. Cette nouvelle efficience cherchera la rationalité (chercher la « raison d’être » de ce qui est) sans tomber dans le rationalisme (l’obsession de toujours vouloir « avoir raison »). Si le manager d’hier cherchait surtout le lien entre cause et effet, le manager de demain cherchera surtout le lien entre cohésion et cohérence !
Concluons par une constatation : Dans sa dynamique, un management organique pousse toujours de « l’intérieur » un peu comme un arbre et la sève qui l’irrigue alors qu’un management mécanique est assemblé depuis l’extérieur un peu comme si les plats étaient tout préparé. A l’évidence, l’adhésion à ses deux types de management est par nature très différente.