Management de la complexité : de quoi parle-t-on exactement ?
Aujourd’hui en entreprise la complication est la réponse à la complexité
Un manager prend aujourd’hui en une journée autant de décisions qu’un manager en prenait en un mois cent ans auparavant avec (en gros) le même cerveau ! A l’évidence, le monde du travail devient de plus en plus complexe. Le nombre, l’intensité et la fréquence des interactions croissent exponentiellement et tout interagit avec tout, partout, tout le temps. Ces turbulences et ces effervescences génèrent une vitesse d’agression plus rapide que notre vitesse de réaction. Au mieux, les managers et leurs équipes prennent donc des coups puis s’adaptent, au pire, ils sombrent d’où leur lassitude voire leur résignation ! En réaction à cette complexité ambiante, le monde du travail a choisi la complication en produisant toujours plus de régulation et de contrôle par une bureaucratie et une hiérarchie devenues tentaculaires. Pour illustrer cette inflation procédurière, rappelons que le volume des codes juridiques a été multiplié par vingt en cinquante ans. L’explication de cette complication exponentielle et stérile est très simple : puisque la loi doit être la même pour tous, mais qu’il y a de plus en plus de cas particuliers irréductibles à quelque règle générale que ce soit, le droit se complique tout en devenant de moins en moins efficient.
Les 3 attitudes possible du manager face à la complexité : Subir, fuir ou assumer !
Face à cette complexité croissante, chaque manager essaie sa recette mais l’ensemble de ces recettes peuvent être regroupées en trois catégories de stratégies comportementales possibles : subir, fuir ou assumer. La plupart des managers (en particulier le middle management) subissent. La complexité et ses complications sont d’ailleurs une des causes majeures de la souffrance au travail. Quelques-uns fuient ou nient ce monde complexe (bien réel pourtant) et se posent à sa marge dans une posture nostalgique ou idéaliste. Une minorité assume cette complexité et l’utilisent même pour surfer sur de nouveaux leviers de motivation et d’action.
Le credo du manager de demain : Assumer la complexité et rejeter la complication.
L’instinct de cette minorité de managers assumant avec succès la complexité du monde d’aujourd’hui est que la complication n’est jamais une bonne réponse à la complexité. Pour ces pionniers, la complexité, est même tout le contraire de la complication. Une manière simple de comprendre la différence essentielle existant entre complexe et compliqué est de comparer une mayonnaise à un Airbus. La mayonnaise n’est pas compliquée mais elle est complexe. C’est en effet une sauce très simple composée d’ingrédients de base (de l’œuf, de la moutarde et de l’huile) mais une fois ces ingrédients imbriqués, le tout est beaucoup plus que la somme de ses parties grâce à des interactions organiques. A l’inverse, un Airbus est plutôt compliqué mais absolument pas complexe. Il n’est qu’un système mécanique, démontable et remontable, sans interactions organiques entre ses composants. Son tout est strictement égal à la somme de ses parties. Alors me direz-vous, comment faire prendre la mayonnaise sans avoir besoin d’une usine à gaz pour la faire prendre ?
Les 4 vertus du manager de demain pour faire de la complexité une opportunité
Pour faire de la complexité une opportunité en rejetant toute complication futile et inutile, le manager de demain explorera et déploiera au sein de ses équipes quatre vertus agissant comme quatre moteurs de performance. Ces quatre vertus feront de la complexité une voie vers la simplicité et permettront à chacun d’obtenir plus de résultats avec moins de stress et plus de plaisir. Détaillons à présent ces 4 vertus.
- La frugalité
Pour un manager, la frugalité doit être l’intention profonde de limiter sa consommation de ressources techniques, humaines et financières pour faire le tri entre l’essentiel et le superflu. Cet art de la frugalité fera prendre conscience à ses équipes que la rareté est un moteur souvent plus puissant et plus léger que la profusion et l’abondance. L’art de la frugalité pour un manager c’est s’offrir la possibilité de faire plus avec moins ou de faire moins mais mieux ou encore de faire des choses extraordinaires avec des gens ordinaires.
- La noblesse
En management, la noblesse doit être l’intention profonde de limiter son action à sa vocation pour être impactant plutôt qu’envahissant. La noblesse doit nous faire faire le tri entre vocation et illusion. Cet indispensable tri nous fera prendre conscience que la performance en entreprise s’ancre plutôt dans le réel que dans le modèle, dans le projet plus que dans le sujet et dans le devenir plus que dans l’être ou l’avoir. La noblesse en management c’est s’offrir plus de cohérence et de consistance en visant juste plutôt que loin ou haut.
- L’élégance
L’élégance en management doit être l’intention profonde de faire coïncider pour chacun de ses collaborateurs ce qu’il est avec ce qu’il fait en prenant conscience que la performance nait toujours d’une convergence entre mission et vocation. C’est précisément cette convergence qui permettra une harmonie entre « réussir sa vie » et « réussir dans la vie ». Pour devenir possible, cette convergence nécessite la liberté de choisir et la volonté d’agir sur son destin et sur son environnement. Dans ce contexte, l’élégance du manager permettra à chacun de s’offrir plus de liberté et plus responsabilité : plus de liberté en s’accomplissant à travers sa vocation et plus de responsabilité en mettant sa vocation au service de sa mission.
- La fécondité
En management, la fécondité doit être l’intention profonde de s’accomplir le plus complètement c’est-à-dire d’explorer et d’exploiter tous les possibles en prenant conscience que la performance nait souvent de la construction de propriétés émergentes. Un jardin fécond est un jardin qui a plus de valeur que la somme des graines plantées. Un manager fécond est un manager qui bâtit une équipe formant un tout supérieur à la somme de ses parties, une équipe où les hommes et les femmes seraient, au fond, non pas tous pareils mais plutôt uniques ensemble.
Transformer l’incertitude extérieure en quiétude intérieure ; la mission du manager de demain ?
Pour conclure disons simplement que la mission du manager de demain sera de transmettre une quiétude intérieure pour répondre à l’inquiétude extérieure. La complexité, parce qu’elle induit de l’imprévisibilité, engendre une incertitude croissante. La seule réponse à cette incertitude extérieure est une certitude intérieure que chacun de nous doit se construire. Dans chacun de ses projets, l’homme ne contrôle plus qu’une infime minorité de paramètres : toute planification devient illusoire. Tout peut arriver et arrivera, surtout ce que l’on n’a pas prévu. Gérer le temps complexe signifie dépasser les techniques de planification pour entrer dans les pratiques de synchronisation, c’est-à-dire d’harmonisation du temps, de l’espace, des opportunités et des potentiels. La complexité ambiante, parce qu’elle démultiplie à l’infini les liens et connexions, devient vite un piège, une addiction, un esclavage si cette interdépendance devient une dépendance. Il suffit d’observer les accros des smartphones pour s’en convaincre. Ce monde de la complexité est désormais le nôtre. Il sera à la fois pire et meilleur que le monde mécanique issu de l’industrialisation de notre économie. Le pire sera pour celles et ceux qui resteront à contre-courant. Le meilleur sera pour celles et ceux qui surferont la vague. Après avoir beaucoup compté sur le monde extérieur, nous allons devoir apprendre à compter sur notre force intérieure. La simplicité est donc bien la réponse à la complexité mais la simplicité est l’inverse de la facilité !