Le prêt de compétence
Nouveau levier de compétitivité et de vitalité !
Si la vie économique de la fin du 20ème siècle a été profondément impactée par la mondialisation, c’est-à-dire la libre circulation des biens et des personnes, la vie économique de ce début de 21ème siècle pourrait bien être marquée par la libre circulation des compétences. Toutes les tendances de la profonde mutation socio-économique en cours annoncent cette prochaine libre circulation des compétences. L’idée que le talent va se substituer à l’argent comme étalon de richesse, le besoin de donner du sens à ses activités au quotidien et le besoin de travailler en réseau autonome et collectif, responsable et co créatif sont trois exemples parmi d’autres qui convergent vers l’émergence d’un nouveau type de prêt : le prêt de compétence.
Prêter des compétences : quelle drôle d’idée me direz-vous ? Pourquoi ne pas les acheter, les utiliser puis les jeter comme n’importe quelle ressource ? Tout simplement parce que nous consommons trop de ressources ! 80% des ressources naturelles non renouvelables de la Terre ont été consommées en moins d’un siècle ! La logique de l’économie de masse, basée sur l’hyperconsommation de ressources matérielles bon marché, est donc condamnée. Et ce qui est vrai pour les ressources matérielles le sera bientôt pour les ressources humaines. La financiarisation de l’économie a laminé les ressources humaines aujourd’hui largement lassées, émoussées voir épuisées par la logique du toujours plus ! Devant de telles réalités, les objectifs de performance et de rentabilité des entreprises doivent à l’évidence être redéfinis pour redonner un avenir à l’activité humaine. Une nouvelle ère économique va s’ouvrir : celle du partage des compétences. Ce partage nous apprendra à faire, en tout ET partout, plus avec moins! Le prêt de compétence remettra la ressource humaine au cœur de l’innovation.
De l’empilement en silo des ressources à leur mise en réseau dans une économie décloisonnée et connectée
Savoir prêter une compétence sera donc à l’évidence une compétence très recherchée dans les entreprises de demain. En effet, faire mieux ou plus avec moins nécessite de maitriser l’art de la frugalité collaborative. L’apprentissage de cet art sera une des passerelles entre l’économie d’hier et celle de demain et nous amènera à distinguer clairement ressources et capacités. Pour la plupart des managers baignés dans le modèle économique industriel, ces deux termes sont presque synonymes. Ils cachent pourtant deux notions bien différentes. En effet, les ressources s’achètent, se copient, ou se volent, d’où la croyance (vrai seulement en apparence) qu’avec la même quantité de ressources on arrive au même résultat, au même objectif (c’est le fameux benchmark). Contrairement aux ressources, les capacités sont des notions beaucoup moins marchandes. Le talent, l’intelligence, la culture ou encore l’intuition s’achètent, se copient ou se volent beaucoup plus difficilement que les ressources. Acheter une ressource c’est facile. Acheter une capacité est soit difficile soit très cher ! De plus, la répartition des capacités est contrairement à la répartition des ressources très inégalitaire. Il est très facile de repartir une quantité de façon égalitaire. Il est très difficile, voire impossible, de repartir une qualité de façon égalitaire ! Pour résoudre cette dialectique entre ressources et capacités, une autre approche de la notion de compétence est nécessaire : Cette nouvelle approche consiste à considérer la compétence comme une valeur d’usage dans une économie circulaire : ainsi la compétence se connecte, se partage, s’use, se recycle, se prête et s’échange. Cette approche fonctionnelle de la compétence c’est un peu comme l’espace Schengen : c’est la libre circulation de la compétence au service du bien commun et d’une économie décloisonnée et interconnectée.
Apprendre à apprendre : développement annoncé d’une compétence du 21ième siècle.
Deux convictions managériales fortes sous-tendent cette valeur d’usage de la compétence : La première de ces deux convictions est que les performances générées par le désir d’entreprendre sont plus solides et plus pérennes que les performances ponctuelles obtenues par la contrainte et dans la douleur. La deuxième conviction managériale forte est que les entreprises qui réussissent à survivre face aux changements sont celles qui savent agir et apprendre en même temps.
Pour creuser la première de ces deux convictions, disons qu’il existe, selon plusieurs études sur le sujet, trois sources principales de désir qui viennent favoriser et faciliter le déploiement d’une compétence :
- Alimenter le sentiment que l’on peut avancer efficacement dans son travail est la première de ces trois sources. A travers le prêt de compétence, la valeur d’une compétence est un moyen de donner la sensation que l’on avance efficacement grâce à son travail. Le rôle essentiel du manager pour activer cette source sera d’aider l’autre à formuler la nature et l’utilité de ses compétences pour l’entreprise et pour son écosystème.
- Alimenter le sentiment de travailler dans une entreprise exigeante qui favorise une culture d’entraide est la deuxième source de désir favorisant l’expression d’un potentiel. Deux doses d’exigence et une dose d’estime de soi est souvent le bon dosage managérial pour donner de la valeur à une compétence. Le prêt de compétence répond parfaitement à ce cocktail du management des compétences.
- Alimenter le sentiment que les contraintes et les difficultés rencontrées sont prises en compte pour donner envie de les surmonter est la troisième source de désir capable de favoriser l’expression du potentiel qui existe chez chacun de nos collaborateurs. Une compétence cela permet de faire des choses extraordinaires avec des gens ordinaires et pour faire des choses extraordinaires avec des gens ordinaires, il faut clairement partager et se prêter nos compétences réciproques.
La compétence : un moyen de co-innover sa culture?
Pour conclure sur le développement annoncé du prêt de compétence, il est également important de souligner qu’une culture d’entreprise peut s’imager comme une compétence déployée collectivement dans le temps et dans l’espace grâce à une stratégie d’engagement des parties prenantes communautaires*. Chaque acteur interagira dans cet écosystème selon ses propres intérêts socio-économiques mais pour une même cause ou une même compétence. L’entreprise disposera ainsi de talents et de qualités qu’elle s’attachera à cultiver. Il s’agira donc bien d’une réelle culture. Le prêt de compétence sera un moyen de communication postmoderne : une communication par les faits et les actes. Une communication solidaire, responsable et bienveillante source d’un bouche à oreille viral très puissant.
Vous êtes lassé, émoussé ou carrément découragé ? Votre motivation s’est diluée ou évaporée ? Parions que le prêt de compétence va nous réveiller ! Réveiller nos organisations, nos entreprises, les salariés et nos équipes. Chiche ! Tu me prêtes ta compétence ?