Plus un système devient complexe et moins il devient prédictible dans le temps.
C’est le point commun entre la météo (le temps est de plus en plus incertain) et le management des organisations (prévoir ce qui va se passer dans le temps est de plus en plus difficile). En pratique, cette réalité met les entreprises en tension croissante en générant des doses d’incertitude toujours plus fortes. Dans un monde qui bouge plus vite et plus fort qu’avant, il ne suffit plus de prévoir les choses. Il devient essentiel également de s’adapter aux choses. Les sauts inouïs de complexité de l’environnement obligent les entreprises à revoir leur management du temps et la dialectique existante entre planification (l’art de prévoir les choses) et synchronisation (l’art de s’adapter aux choses). Cette nécessité de rééquilibrer cet équilibre est d’autant plus cruciale que nous savons, par expérience, que sans grille de lecture adaptée, nous passons à côté de la réalité que l’on souhaite modéliser.
Penser le management c’est aussi penser ce qui n’est pas « modélisable »
La crise du coronavirus nous a montré, grandeur nature, toute la différence entre la vie « version planification » et la vie « version synchronisation ». Dans les entreprises, les managers sont très « contaminés » par la vie version planification, version très mécanique de la vie. Au départ, on se définit un but (jalonné par des objectifs intermédiaires). Avant de partir, on s’approvisionne en stocks, on calcule un itinéraire (étapes, échéances, optimisations) afin d’optimiser les performances d’un parcours programmé soumis à des impératifs quantitatifs. Mais dans réalité, force est de constater que c’est de plus en plus souvent la vie version synchronisation qui s’impose. Cette version est beaucoup plus organique que mécanique. Son point de départ est une identité profonde (ce que l’on est vraiment). Chemin faisant, on s’approvisionne (c’est-à-dire on se ressource) selon les opportunités. A chaque bifurcation de la route, on opte pour des règles de vie (notre éthique) guidant nos décisions (le bon chemin) pour se mettre au service d’une intention qui nous mènera on ne sait où mais en choisissant avec qui et comment on y va ! Au fond, ces deux versions posent des questions très complémentaires sur le management du temps. La planification pose la question « Que va-t-il se passer ? ». On est donc dans l’anticipation. La synchronisation pose la question « Que faisons-nous avec ce qui nous arrive ? ». On est donc dans le domaine de l’adaptation
La vraie agilité c’est prévoir ET s’adapter
Vous l’avez compris, la planification est une vaste machinerie pour maitriser les choses. La synchronisation est une belle symphonie pour faire vibrer les choses. Le management d’hier a privilégié la planification à la synchronisation. Le management d’aujourd’hui et encore plus celui de demain, fera le pari inverse car chaque époque a son exigence. Hier, le mot d’ordre c’était « maîtriser », demain le mot d’ordre sera « s’ajuster » ! Quand comme aujourd’hui, l‘écart entre les modèles et le réel se creuse, il devient essentiel de rééquilibrer les techniques de planification et de synchronisation dans les business model car sans imagination devant l’imprévu, le management est souvent esclave de sa répétition. Insistons sur un point, il ne s’agit pas de choisir entre planification et synchronisation. Il s’agit juste de composer, avec comme boussole, leur utilité. La planification c’est l’art d’anticiper les choses prévisibles en les optimisant. La synchronisation c’est l’art d’accueillir les choses imprévisibles et de les optimiser ! Cette compétence (la planification) et ce talent (la synchronisation) se combinent et permettent un grand luxe : s’affranchir du temps !
Le management est une histoire de destination et de voyage
Dans cette métaphore, on retrouve toute la complémentarité entre planification et synchronisation. En effet, la planification fixe la destination et la synchronisation construit le voyage ! Evidemment, Dans un monde devenu imprévisible, la synchronisation devient parfois plus pertinente que la planification ! Pourquoi ? Parce que quand on se trompe de route, la destination (l’objectif) perd son sens alors que le voyage (l’intention) peut garder tout le sien. En ce sens, la synchronisation peut devenir plus stratégique que la planification. Dans une période d’incertitude et de grande mutation, le business plan à cinq ans, c’est un peu l’astrologie des entreprises. L’ennemi de la planification c’est l’imprévu. Vu sa fréquence, certains se disent, passons à la synchronisation. C’est cette dynamique de l’imprévu, due à des sauts de complexité, qui pourrait nous faire dire : Le management d’hier planifiait la destination (l’objectif). Le management de demain synchronisera le voyage (l’intention) ! Une chose est certaine : En management comme ailleurs, la synchronisation est parfois aussi utile que la planification !
la
planification c’est raison-projection. La synchronisation c’est passion-intention !
Toute l’intelligence de la planification est basée sur comment « prévoir et anticiper ». La synchronisation vient utilement compléter cette première intelligence par une seconde basée sur comment « optimiser et s’adapter ». Cette autre intelligence est d’autant plus utile qu’une vision partagée passe souvent par un parcours partagé ! A l’évidence, devant le poids croissant de l’incertitude, un des défis majeurs posés aux managers pourrait se résumer ainsi : Comment mobiliser sur de nouvelles destinations sans se focaliser sur la route à suivre ? En effet, Pour retrouver une vraie vitalité, le management des entreprises doit tuer le mythe que tout planifier signifie travailler bien et efficacement. Moins planifier mais, plus synchroniser c’est parfois travailler moins mais mieux. La planification est l’horloger du management des entreprises en période calme alors que la synchronisation en est le joaillier en période turbulente. C’est bien connu, on ne conduit pas une entreprise dans la crise avec les mêmes méthodes que par temps calme…C’est pour cela que si le plan d’action est de la planification, le mode d’action c’est de la synchronisation !
Pour conclure…
Le management mécanique a misé sur la planification. Le management organique rééquilibrera la planification avec des techniques de synchronisation. Pour redevenir crédible et surtout opérationnel sur le réel des choses, le management doit quitter les certitudes mécaniques ( si A donne B alors B donnera C) qui partout et en tout sont de moins en moins vérifiées et s’appuyer sur de possibles émergences (Si A rencontre B alors naitra C) même s’il est impossible de connaitre à l’avance la nature exacte de C. Encourager ce changement de logique c’est préférer une approximation éclairante à une certitude aveuglante ! Quand ce qui devait arriver n’arrive pas, certains pensent que l’avenir est en crise (les planificateurs) alors que d’autres profitent de ce qui arrive vraiment pour dire que le présent offre de nouvelle opportunités (les synchronisateurs) ! Quand la planification devient aléatoire, la synchronisation doit venir au secours de la planification!