La joie au travail
MPM, fidèle à ses valeurs de CO-CREATTION, a le plaisir de vous faire découvrir un article « décalé » d’Anne Finot sur la JOIE AU TRAVAIL. Dans ce billet, Anne arpente avec finesse les arcanes de la Joie de Vivre au travail et insiste avec pertinence sur les leviers de motivation et d’action qu’elle apporte. Anne nous apprend aussi que cette joie au travail n’est ni le plaisir ni le bien être auxquels elle est pourtant si souvent rattachée. Mais alors à quoi peut bien ressembler la Joie au travail ? Pour le savoir lisez ce billet.
Dans un contexte économique où la souffrance au travail est croissante, où le travail se fait rare, où la concurrence est forte, les approches classiques de l’efficacité au travail s’essoufflent. La condition pour être performant durablement est d’être calme, serein, dans le plaisir d’œuvrer, de pouvoir être soi, de trouver du sens dans son travail, de travailler dans un climat convivial et solidaire.
« La joie au travail » est une philosophie managériale qui vise la joie comme une fin en soi, un bien en soi. En second lieu, elle est vectrice de performance économique. Travailler votre « joie au travail » c’est trouver les clés de votre propre joie, découvrir qu’elle est possible et ne demande qu’à être activé…
« Il n’est pas plus fort qu’une idée dont le temps est venu » disait Victor Hugo. Le temps d’une nouvelle ère managériale est venue, celle de la joie et de l’excellence de ce que l’on est et fait.
Contexte
Alors que scientifiques, économistes et philosophes se rejoignent pour souligner que nous traversons une mutation sans précédent, il semble en effet urgent de « penser autrement » notre rapport au travail. Nous avons travaillé des siècles à progresser dans le progrès et la rationalisation. Nous sommes tellement identifiés à cette logique de la rentabilité et du profit à court terme que nous en avons négligé la logique du capital humain.
Et pourtant les pyramides deviennent des réseaux. Chacun sait qu’on ne peut plus concevoir une croissance quantitative sans mesures qualitatives de croissance. Nous sommes de plus en plus nombreux à savoir qu’un changement structurel doit être accompagné d’un changement humain : si l’homme ne change pas, rien ne changera. La bonne nouvelle : c’est que la table est mise et qu’on peut envisager de s’y asseoir. Des entreprises post-modernes sont déjà, ici ou là, des voies de passage du modèle industriel au modèle artisanal, collaboratif. L’intelligence collective se construit dans une organisation réticulée et l’action partagée d’une aventure commune.
C’est dans ce contexte de mutation que nous vous avons proposé de nous retrouver le 24 septembre dernier autour de la question de la joie au travail. Vous avez été nombreux à répondre présent et à participer à cette soirée.
Revisiter notre relation au travail
Le propos est de réfléchir ensemble à d’autres manières de penser notre rapport au travail. Aujourd’hui, personne n’a encore le désir de s’épuiser à résister à un environnement agressif ni l’utopie de croire qu’il pourra en afficher la maîtrise. La nouvelle génération aspire à de nouvelles valeurs : les temps changent et avec eux les exigences.
Au passage, on en revient aux fondamentaux et à poser, à travers la question de notre rapport au travail, celle du sens d’une vie humaine et de la nécessité pour chacun de nous de répondre à ce à quoi tout homme aspire : la joie. Encore nous faut-il la définir et approcher les situations existentielles qui en tracent le chemin.
C’est pourquoi nous avons évoqué ensemble nos anciennes manières de faire à travers les approches préventives (dont la figure est le médecin) qui abordent les situations en termes de problèmes auxquels on doit apporter remède et solution ou les approches prescriptives (dont la figure est le juge) qui conduisent les entreprises à se doter d’instances de régulation qui participent du problème puisque l’une comme l’autre valident l’idée de la souffrance inéluctable liée au travail et en font peser la responsabilité sur chacun d’entre nous.
Une autre approche peut être envisagée, portée non plus par une figure d’expertise mais par la posture du philosophe. Quel est l’enjeu ? Des entreprises qui, pour produire ensemble de l’excellence, réinventent les valeurs qui sont à sa source. Quelles sont ces nouvelles valeurs ? La joie au travail, comme ressource et comme objectif.
La joie
Mais qu’est-ce que la joie ? En quoi se distingue-t-elle du plaisir, du bien-être ou du bonheur ? La joie, contrairement au plaisir, n’est pas ce à quoi on accède parce qu’on a atteint ce qu’on cherchait : elle est plutôt à la source du mouvement. Elle n’est pas synonyme de bien-être car elle échappe aux critères normatifs qui le définissent (comme le bien-être au travail est défini par des critères liés à l’ergonomie l’absence de stress, ou de conflit, des règles d’hygiène et de sécurité). Elle n’est pas non plus synonyme de bonheur, même si elle y participe, cet état idéal, inatteignable par définition, d’où toute inquiétude serait absente, notamment parce qu’elle est compatible avec les hauts et bas de l’existence et peut être vécue au cœur même de la souffrance. Bref : le plaisir se donne ou se prend, mais la joie se cultive. Elle émane de l’intérieur.
Comme l’énonce Robert Misrahi, « la joie dépend d’un sujet qui, parmi toutes les modalités d’existence possibles s’offrant à lui, fait le choix de rendre préférable ce choix à toute autre modalité ». La joie n’est donc pas une grâce à recevoir : c’est un dynamisme, une force existentielle. C’est un choix réfléchi.
La joie au travail, la notion de Flow
Du côté de la science, Mihaly Csikszentmihalyi a pu identifier un état intérieur qui résulte du fait de ressentir de la joie en travaillant, en étant conscient de sa mission et du fait de faire partie de quelque chose de plus grand, état que l’on a nommé comme étant une expérience du flux (flow). Le flow est l’état atteint par une personne lorsqu’elle est complètement immergée dans ce qu’elle fait, dans un état maximal de concentration, qu’elle éprouve alors un sentiment d’engagement total et de réussite.
Dès lors, « une entreprise peut dès lors devenir le terrain de la joie. Loin de l’idéalisme, l’homme moderne pourrait concrètement bâtir un art de la joie au travail qui associerait la solidarité, l’esprit d’équipe, la présence à l’ici et maintenant et l’accueil de ce qui advient » soutient Alexandre Jollien.
Notre définition de la joie au travail
En prenant appui sur les ressources philosophiques, notamment ici les propos de Luc Ferry évoquant les critères d’une vie réussie, on est dans la joie quand on cesse d’être gouverné par la peur, quand on vit l’instant présent (l’amor fati de Nietzsche), ni dans la nostalgie liée au passé ni dans l’appréhension ou l’insécurité du futur, ou bien tiré en arrière ou bien tiré en avant, quand on est en capacité de penser librement, quand on est dans l’accomplissement de ses talents, dans une vie qui permet l’accroissement, le déploiement de soi au travers d’entreprises communes.
La joie au travail désigne le dynamisme même qui produit de l’excellence. Elle est cet état qui permet de s’accomplir dans ses missions, ses responsabilités, ses tâches en étant soi-même et en relation conviviale avec ses collègues. Elle est ce qui donne à tout déploiement sens et consistance, persistance et persévérance. Elle permet d’oser la virtuosité, d’oser le difficile.
Communicative, elle donne de l’énergie. Elle crée ouverture et intelligence collective.
La joie en acte décuple le pouvoir d’agir (Spinoza).
Concrètement, en entreprise
L’enjeu du management est de développer les talents et l’intelligence de ses collaborateurs afin qu’ils œuvrent à la performance de leur organisation
La joie est le signe et la finalité de ce management.
Dans ce chemin, la joie au travail des collaborateurs est à la fois une fin en soi et un moyen de renforcer sa performance économique. Surtout, ce chemin est auto-décidé par l’organisation.