Management, compétences et talents : mise en perspective
L’employabilité répond à une nouvelle équation : E = C x T !
Avec la profonde mutation économique que nous vivons, notre Employabilité se définit désormais comme le produit de nos Compétences et de nos Talents : E= C x T en quelque sorte ! Précisons que cet effet synergique est vrai pour toutes les formes d’employabilité (manuelle, et intellectuelle) et s’explique simplement si l’on veut bien admettre que nos compétences représentent notre habileté à utiliser des outils ou méthodes connus face à des situations connus alors que nos talents constituent notre habileté à créer ou trouver des outils nouveaux face à des situations nouvelles.
Compétences vs
Quelques mots pour bien décrypter la différence
Pour développer notre employabilité, il parait donc essentiel de développer à la fois nos compétences et nos talents en comprenant bien les différences fondamentales existant entre ces deux moteurs de performance. En effet, on acquiert des compétences, alors que l’on renferme des talents.
Dit autrement, la compétence vient de l’extérieur alors que le talent vient de l’intérieur. En conséquence, la compétence sert surtout à « réussir dans la vie », alors que le talent sert surtout à « réussir sa vie » ! A l’évidence, compétences et talents n’ont pas du tout la même fonction. La compétence sert à s’intégrer, le talent sert à se révéler et leurs effets synergiques sont précieux pour à la fois se distinguer et collaborer. Remarquons enfin que quand la compétence est usée, le talent reste souvent opérationnel. A ce titre, nos talents sont de précieux alliés quand nous avons un coup de moins bien, un coup de mou. Chacun comprendra donc qu’il est précieux de les détecter et de les développer pour repartir, pour rebondir ou encore pour se reconvertir !
Alerte sur le marché du travail : les talents prennent le pas sur les compétences !
Une des conséquences de notre équation E = C x T est qu’à employabilité égale, plus votre talent est grand et moins vous aurez besoin d’être compétent. Sur le marché du travail, cette balance entre talents et compétences est clé pour vous rendre unique et précieux : En effet, en faisant avec aisance et instinct (c’est-à-dire avec talent) des choses que les autres ne font qu’avec méthode et expérience (c’est-à-dire avec compétence) vous serez très vite repérés ! A l’inverse, notons que l’un des drames du marché de l’emploi est que nous passons de l’ère de la compétence, basée sur l’expérience, à l’ère du talent, basée sur la virtuosité. Cette évolution du marché du travail s’explique par le déclin de l’économie matérielle et industrielle (essentiellement basée sur les compétences) et l’émergence d’une économie immatérielle et virtuelle (basée essentiellement sur les talents).
Le management « capital-intensive » va devoir muter en management « people-intensive »
Dans cette nouvelle économie, le métier d’une entreprise ne se définit plus par les produits ou les services qu’elle vend mais par les savoir-faire qu’elle déploie. Cette nouvelle définition du métier explique pourquoi réaliser des profits et créer de l’emploi ne seront plus des finalités pour une entreprise mais juste une conséquence de la valeur, de l’ampleur et de la profondeur de ses savoir-faire. Face à ce nouveau paradigme économique, l’enjeu économique de la prochaine décennie est de mobiliser des leviers capables de faire passer l’entreprise d’un modèle « capital intensive » basé sur les compétences à une culture « people intensive » basé sur les talents ! Evidemment, ce défi nous oblige à inventer les méthodes, modèles et outils qui devront soutenir cette mutation.
Compétences vs talents ou comment passer du prix à la valeur !
Compte tenu de l’importance croissante de nos talents pour notre employabilité, il est essentiel que les managers comprennent bien la différence qui peut exister entre le prix d’une compétence et la valeur d’un talent.
Pour illustrer cette différence prenons un exemple très concret
Un jour que Christian Dior se trouvait à New York, il décida d’aller inspecter la boutique où les belles Américaines venaient acheter ses robes pour vérifier que tout était en place pour assurer la vente et la promotion de sa collection. Alors que la nuit tombait et que la boutique allait fermer, une immense limousine s’arrêta devant la porte. Une grande femme en sortit et fit irruption dans la boutique. Puis-je vous aider, madame ? dit la responsable du magasin. C’est une catastrophe : je n’ai pas de chapeau qui aille avec ma robe et je vais à un dîner extrêmement important. Faites quelque chose ! répondit la clientèle. Je serais ravie de vous rendre ce service, Madame, mais malheureusement nous n’avons pas de chapeau qui convienne dans cette boutique. Il faudrait aller à l’autre magasin, mais à cette heure-ci, je pense qu’il est fermé. Écoutez, trouvez une solution. je suis une cliente depuis des années. Ne me dites pas que vous n’avez rien qui fasse l’affaire.
Une compétence se marchande, le talent jamais !
L’air de rien, Christian Dior avait écouté cette conversation et connaissait très bien ce genre de femmes qui formaient l’essentiel de sa clientèle. Il s’approcha et fit signe à la vendeuse de s’éclipser. Bonjour, chère madame, je pense que nous pouvons arranger cela. Si vous voulez bien me suivre. Prenant un grand et large ruban rouge, il commença à draper la chevelure de sa cliente et le fixa avec quelques épingles. En quelques minutes, un chapeau totalement original, d’un goût saisissant, avait jailli de ses mains. C’était une perfection. La cliente n’avait jamais vu ça et n’aurait su le décrire. Son visage et sa robe étaient mis en valeur comme jamais. Excitée à l’idée du succès qu’elle aurait grâce à ce chapeau et à l’histoire qu’elle ne manquerait pas de raconter à ses amies, c’est à peine si, du bout des lèvres, elle osa demander ce qu’elle devait. Christian Dior, lui, n’hésita pas. Combien avez-vous dit, répliqua la cliente ? C’est impossible. C’est beaucoup trop cher ! Madame, je ne marchande pas. Je viens de créer ce chapeau et il correspond exactement à ce que vous désiriez. Vous ne l’aimez pas ? Mais il ne s’agit que d’un ruban et de quelques épingles, répliqua la cliente ! Très bien, Madame. Veuillez-vous rasseoir, je vous prie. Avec calme, Christian Dior défit sa création et se fit apporter un carton à chapeau vide dans lequel il plaça soigneusement le ruban et les épingles, une à une. Puis, après l’avoir refermé, il le tendit à la cliente sidérée en disant : « Permettez-moi de vous l’offrir, chère madame ».
Application pratique en management
C’est presque une évidence mais encore faut–il l’admettre : Quand les ressorts profonds de la motivation mutent, les méthodes, les modèles et les outils pour trouver, attirer, séduire, former et rémunérer le capital humain doivent muter aussi. Dit autrement, en management comme ailleurs, si on veut obtenir quelque chose que l’on n’a jamais eu, il faut tenter quelque chose que l’on n’a jamais fait. C’est peut-être cette simple règle de bon sens qui explique la mutation du marché du travail actuel. En effet, en matière de compétences beaucoup de choses ont été raisonnées et sans jeu de mot, disons que la raison arrive aujourd’hui à saturation ! En revanche, les talents ont été plutôt négligés, standardisation, homogénéisation et généralisation obligent ! Pour continuer à développer notre intelligences économique, managériale et entrepreneuriale, parions donc que la balance entre le développement des talents et le développement s’inversera dans les années à venir.
L’espoir, la volonté et le désir : 3 moteurs à distinguer en management
A l’évidence, pour les nouvelles générations « réussir sa vie » devient plus important que « réussir dans la vie ». Pour accompagner cette mutation socio-économique, le management du capital humain apprendra qu’espoir, volonté et désir sont trois moteurs de vie bien différents. L’espoir est une force motrice très répandue mais aussi très cruelle car à travers lui nous remettons souvent notre avenir dans la main des autres. La volonté est une force motrice basée sur le devoir et les efforts. Si elle est parfois indispensable, la volonté a le défaut d’être une ressource non renouvelable, donc épuisable et parfois épuisante ! Le désir enfin est surement la force motrice la plus puissante car basée sur l’envie et le plaisir de faire. Avec le désir, on ne s’épuise pas, on s’épanouie. Avec le désir, on ne se vide pas, on fait le plein ! Avec le désir, on n’obéit pas on s’engage !
Pour finir, un vœu pour le management en 2016…
Ce n’est pas par des principes d’égalité en matière de compétences que l’on luttera contre les discriminations, au contraire ! Admettons plutôt l’évidence des inégalités en terme de talents (ce qui ne signifie en aucun cas inférieur ou supérieur) et profitons de ces inégalités pour tous redevenir unique et donc précieux. Ce sera bien plus supportable que d’être soit disant tous égaux mais dans la réalité soit discriminés soit interchangeables…puisqu’égaux ! Si travailler consiste à répondre à nos besoins de base nous sommes souvent trop compétents. Si travailler consiste à s’enrichir et à accumuler, il n’existe alors aucune limite en matière de compétences à acquérir d’où une perte de sens à les collectionner vainement. Si travailler, en revanche, consiste à s’accomplir, tout le monde reprend alors sa liberté d’accepter de développer à son rythme ses compétences et ses talents pour s’intégrer et se distinguer c’est-à-dire les deux besoins fondamentaux de chacun ! Pour que ce vœu se réalise, la mission de chacun doit converger au maximum avec la vocation de chacun. Si le management joue son rôle dans cette réconciliation, il reprendra toute sa légitimité et toute sa crédibilité.