Quelques interrogations à propos du monde d’après…
La nostalgie et l’utopie sont les deux grands pièges à éviter pour créer le monde de demain. Réfléchir sur le monde d’après, c’est donc partir du monde d’aujourd’hui pour dépasser et transcender ses limites. Cet immense travail nécessite d’abord et avant tout de se poser les bonnes questions sur ce que nous voulons vraiment pour le monde d’après. En partant de l’hypothèse que le monde de demain nécessitera le deuil du monde d’aujourd’hui à travers une transformation acceptée par une large majorité car porteur de progrès sociologiques et économiques, il vient cinq questions essentielles
- Comment se passe un deuil ?
- Comme réussir une transformation sans trop de complications ?
- Le progrès pour quoi faire ?
- Quelles sont les pistes d’amélioration sociétales prioritaires ?
- Pourquoi l’économie doit forcément changer de nature ?
Passons ces cinq questions en revue avec quelques suggestions….
Comment se passe un deuil ?
Quand ce qui vous fait vivre est en train de mourir, (un travail, un privilège, une époque, une institution…) le deuil de cette chose passe successivement :
- par le déni (on ferme les yeux),
- la colère (recherche d’un bouc émissaire),
- la tergiversation (on négocie pour que ça dure un peu),
- la désespérance (découragement, abandon, le suicide)
- la sublimation (on repart sur autre chose)
Pour que le monde d’après puisse voir (enfin) le jour, il faudra donc se sublimer…c’est pas impossible mais c’est pas gagné car il semble que tout le monde ne soit pas tout à fait prêt à entamer le deuil du monde d’avant…
Comment réussir une transformation… sans complication ?
Le passage d’un paradigme à un autre est semblable à la métamorphose d’une chenille en papillon et s’accompagne donc d’un changement de logique souvent délicat, parfois douloureux. Par extension, l’émergence du monde d’après nécessite donc un changement de logique. Le passé a déjà montré que lorsque nous étions confrontés à ce style de question, notre reflexe était d’accoucher d’une chenille qui vole ou d’un papillon qui rampe, ce qui revient à compliquer ou sophistiquer les choses plutôt que radicalement les changer. Le vrai défi qui nous attend pour faire émerger le monde d’après est donc de réussir une transformation sans (trop) de complications. Dit autrement, serons-nous faire simple et efficace ? (En sachant que la simplicité est l’inverse de la facilité)
Le progrès pour quoi faire ?
Si nous souhaitons que le monde d’après soit un réel progrès par rapport au monde d’aujourd’hui, alors il faut impérativement se poser la question : le progrès pour quoi faire ? En effet, quand on parle de progrès, il est quand même permis de se poser la question de quel progrès parle-t-on quand on constate :
- Qu’à l’allongement de la durée de vie répond une certaine tristesse de la vie
- Qu’au règne de la quantité répond la perte de qualité
- Qu’à la montée des richesses matérielles répond une certaine misère existentielle (notre vie se vide de sens)
- Qu’à l’hypertrophie technique répond une certaine atrophie humaine (chômage, homme dépassé, revenu universel…)
- Qu’à l’inflation de justice sociale répond des inegalités toujours plus grandes
- Qu’à la multiplication des plaisirs artificielles répond une éradication bien réelle de la joie de vivre
- …
Alors,…le progrès oui bien sûr… mais le progrès pour quoi faire ? Voilà peut-être une des première question à se poser pour bâtir les fondations du monde de demain!
Quelles sont les pistes d’amélioration sociétales prioritaires pour le monde d’après ?
Si on a besoin d’un monde d’après, c’est que le monde de maintenant (après avoir rendu des services) est à bout de souffle. En prenant en compte cette asphyxie qui nous étouffe chaque jour un peu plus, le monde de demain devra être plus simple pour être à la fois plus agile et plus léger, plus frugal pour consommer moins mais mieux, plus humble pour trouver la manière de réussir sa vie avant de réussir dans la vie, plus élégant pour trouver la petite chose qui change tout et enfin plus noble pour arrêter de viser plus haut ou plus loin et commencer à viser plus juste. Cette réflexion sur les pistes d’amélioration devra en priorité répondre aux question suivantes : Qui est le mieux placer pour prendre les bonnes décisions, les acteurs locaux ou les acteurs globaux ? Est-il (encore) possible de réconcilier intérêt général et intérêt particulier pour nous rassembler plutôt que nous diviser ? Comment faire pour que les dépenses publiques assurent réellement des services publics ?
Pourquoi l’économie dot-t-elle forcement changer de nature dans le monde d’après ?
Nous vivons (et parfois même nous subissons) une profonde mutation de notre économie avec comme lame de fond une économie industrielle (ou matérielle) se délitant en une économie immatérielle (ou idéelle). Pour comprendre ce phénomène, comparons les caractéristiques des objets (pivot centrale de l’économie industrielle) et des idées (moteur interne de l’économie immatérielle). Très vite, il vient que les objets ont plutôt un prix qu’une valeur alors que pour les idées c’est l’inverse. Par ailleurs, les objets s’usent à l’usage alors que les idées en proliférant se bonifient. Enfin, les objets sont souvent difficiles et chers à transporter alors que les idées sont d’une mobilité à toute épreuve et ce gratuitement ! Evidemment, après ce petit comparatif, on comprend vite que le monde d’après sera plus propice à une économie de plus en plus immatérielle et donc de moins en moins matérielle…Est-il possible de mettre l’Economie au service de la Vie plutôt que de mettre la Vie au service de l’Economie ? Cette question est centrale car dans le monde d’après, l’économie ne doit plus être une fin en soi mais un moyen pour atteindre nos objectifs. L’immense chantier qui est devant nous, n’est donc pas de relancer l’économie mais de redéfinir les objectifs que l’on souhaite atteindre.
Pour conclure…provisoirement
La caractéristique de ce qui est vivant est de se transformer. Nous verrons donc après la crise si nous sommes toujours réellement vivant ! Le monde d’après émergera et se pérennisera que s’il a une bonne raison d’exister car tout ce qui n’a pas une bonne raison d’exister n’existe pas très longtemps…En pratique, cette raison d’exister doit être un moteur pour nous donner envie collectivement et individuellement de faire émerger un autre monde. La meilleure façon de contribuer au monde d’après est de se re-demander pour soi-même : Quelle est ma bonne raison d’exister, c’est-à-dire ma bonne raison de vivre, d’agir, de travailler, de m’impliquer, de m’engager…etc. Toute raison corrigeant les impasses et limites du monde d’aujourd’hui sera une bonne raison et construira un 21ème siècle ressourçant.