L’incubateur épisode 4
Management de nos vies : Quel modèle de société pour demain ?
Historiquement, les hommes ont pris l’habitude de collaborer à grande échelle autour d’une valeur fondatrice pour fonder un modèle de société. Chez les grecques c’était la Sagesse. C’était l’époque des penseurs qui en conscience harmonisaient tout, souvent un peu idéalement. Chez les romains c’était l’Ordre. C’était l’époque des empereurs qui régentaient et organisaient tout, parfois avec force. Dans le bas moyen Age, c’était Dieu. C’était l’époque des moines qui intériorisaient et spiritualisaient tout, souvent avec soumission. Dans le haut moyen Age, c’était le Salut. C’était l’époque des seigneurs qui possédaient tout, en sonnant le réveil de l’autorité terrestre de la vie. Chez les Modernes (que nous sommes encore), c’est la Liberté. C’est l’époque des humanistes qui veulent libérer l’homme de tout : De la Nature d’abord avec l’intensification des cultures, des tyrans ensuite avec la naissance puis le développement des démocraties, de la métaphysique aussi avec le cartésianisme et enfin de lui-même avec la libération des mœurs…etc. A chaque saut d’époque, le mécanisme est le même : La mise en perspective des impasses et des limites de l’époque précédente fait émerger un nouveau paradigme pour tenter de faire franchir un nouveau palier à l’Humanité. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Globalement, nous vivons la fin de la modernité et de ses étalons philosophiques, politiques et économiques. En effet, les promesses de se libérer de tout ont abouti à quelques progrès indiscutables mais aussi à pas mal d’aliénation. L’histoire est souvent paradoxale et cruelle surtout quand des promesses démagogiques viennent flouter l’intention de départ. Force est de constater, en effet, que l’envie de liberté s’est fortement dissoute dans un sentiment de précarité personnelle et professionnelle. Alors quelle sera la prochaine valeur fondatrice pour faire redémarrer le projet Humain ?
La Liberté pour quoi faire ? Peut-être la question la plus essentielle du management de nos vies
Même si rien n’est écrit une chose est sure : L’histoire se construit par sédimentation et un paradigme ne chasse pas l’autre. Il le complète et le transcende en contournant ses impasses et en dépassant ses limites. En suivant ce raisonnement, notre époque pose une question : La liberté pour quoi faire ? En prenant comme exemple l’entreprise, poumon économique de notre société, nous avons des débuts de réponse à cette difficile question. Pour transcender sa raison d’être, l’entreprise de demain n’aura plus comme finalité de servir grassement ses actionnaires ou d’offrir une rente sécuritaire à ses salariés. Son règlement intérieur pourra tenir en deux point : Créer de la qualité de vie en interne et de la qualité d’usage des produits ou des services en externe. C’est dans ces termes qu’une nouvelle forme de liberté pourra germer. Cette liberté postmoderne tournera le dos au modèle industriel, non par idéologie mais par nécessité de santé physique et mentale, pour se tourner vers une économie néo-artisanale plus harmonieuse, moins dominatrice, plus vertueuse. Ce changement de logique esquissera des formes d’entreprises nécessitant moins de quantité et plus de qualité, moins d’argent et plus de talents, moins de hiérarchie et plus d’énergie. C’est dans ces changements de philosophie que nous nous réapproprierons le sens de notre liberté.
Le management de nos vies est en route pour un grand mouvement de « customisation »
Chacun peut l’observer : Un mouvement irrémédiable et irréductible de « customisation » de nos vies est enclenché. Il correspond à un démantèlement du modèle standard imposé par quelques-uns à presque tous. La structure même de notre paradigme socio-économique va être profondément bouleversée par ce changement de paradigme. Dans la décennie à venir, l’un des changements les plus visibles de cette bifurcation de la société sera une baisse significative du nombre de salariés et une hausse sans précédent, par choix ou par obligation, des entrepreneurs. Le salarié a historiquement deux moteurs : s’intégrer et se distinguer en particulier en acquérant un statut. Les crises financières et économiques successives ont rompu le charme entre les entreprises et leurs salariés. Ce divorce a évaporé doucement mais surement les espoirs d’intégration et de distinction recherchées par ces millions de salaries biberonnés à leurs boites qu’ils pensaient inamovibles, fortes et indestructibles. Il fut un temps où les entreprises enterraient leurs salariés. Aujourd’hui, c’est les salariés qui bien malgré eux enterrent leurs boites démantelées, restructurées ou tout simplement dépassées.
De l’obéissance à l’engagement : le management de nos vies change d’intention
Pour réagir à ces espoirs perdus et épouser le nouveau paradigme socio-économique en construction, de plus en plus de forces vives préfèrent l’entreprenariat au salariat pour s’accomplir pleinement et totalement malgré l’insécurité que peut comporter une telle aventure. L’accomplissement (au sens de se défaire de ses chaines et de faire ce que l’on est vraiment) , voilà peut être le prochain moteur du projet humain. C’est en partie cette quête d’accomplissement qui expliquera pourquoi la structure du marché de l’emploi dans la prochaine décennie va basculer progressivement mais inéluctablement du salariat à l’entrepreneuriat. Evidemment, à l’aube d’un tel bouleversement tout le spectre des réactions traverse la société, de l’hystérie à l’euphorie en passant par la paralysie et l’asphyxie ! Mais au fond, quelle chance de pouvoir participer à cette reconstruction du projet Humain en révélant notre vrai niveau d’autonomie, notre vrai potentiel de créativité et notre vrai degré de responsabilité. Dans les entreprises, comme ailleurs, l’idéologie crée beaucoup de dégâts et mène souvent à des impasses. Une de ces impasses a été l’obsession des « process » avec en particulier l’obsession de la planification et du contrôle pour obtenir en retour une illusoire visibilité et un semblant d’obéissance de la part des salariés. Cette impasse a provoqué chez les salariés un profond divorce entre travail et compétence, entre travail et talent, entre travail et envie.
Quelle alliance allons-nous recréer pour le management de la société de demain ?
Quelle que soit l’époque, un projet sociétal a toujours besoin d’une alliance. Notre société usée n’est que le reflet d’alliances brisées :
- Une alliance brisée entre travail et épanouissement
- Une alliance brisée entre quantité de vie et qualité de vie
- Une alliance brisée entre progrès technologique et progrès pour tous
Toutes ces alliances brisées sont à l’origine d’abord de désamours puis de haine enfin de fondamentalisme. Cette enchainement fatal par manque de sens et trop plein d’implosions et d’explosions procure un vide existentiel avec des générations paumées et désorientées par un manque d’alliances vitales. Chacun le ressent à sa manière mais le diagnostic est aujourd’hui largement partagé : Nous ne pouvons pas continuer dans cette voie. L’alliance est un symbole à la fois de force et de lien. Nous devons donc retrouver collectivement une alliance pour reconstruire une histoire entre la société et son époque…
Rdv le mois prochain pour un nouvelle épisode de l’incubateur MPM