Le doute en management : Un facteur de discernement ?
Que c’est dur d’être manager ou d’être managé en 2018 !
Ce cri du cœur, que l’on a tous poussé au moins une fois, est une réaction épidermique à tous ces vents qui soufflent et qui semblent contraires à un management serein et paisible dans les entreprises. Au « boulot » de nos jours, le menu peut être assez indigeste : visibilité réduite, changements de cap, incertitude et inquiétude influent en effet souvent le quotidien. Ces hésitations et tergiversations génèrent bien évidemment une déstabilisation, une démotivation et même parfois une saturation des équipes et des individus. Ces effervescences et ces turbulences sont aussi une admirable leçon de choses sur l’ordre des choses en rappelant la crainte qu’il convient d’avoir vis-à-vis de la routine. En management des organisations, la routine est un piège que seuls les esprits restés libres évitent. Il faut en effet de l’audace et de l’agilité pour questionner la routine. Le propre d’un esprit libre et éclairé n’est-il pas d’avoir une certaine inquiétude vis-à-vis des « habitudes » en cherchant avec obstination ses dangers et ses pièges ? Seuls l’insistance d’une pensée restée libre et l’incessant désir d’éclairer la routine permettent de transcender les limites et les impasses du catéchisme managérial en place… surtout quand celui-ci est à l’évidence usé jusqu’à la corde.
Le discernement en management : Ce merveilleux mélange de sens et de bon sens !
Un esprit libre et éclairé en management ne s’occupe pas des réponses dogmatiques toutes faites voire des préconisations préfabriquées d’un tel ou d’une telle. Les pieds sur terre et la tête dans les étoiles sont les deux moteurs d’un esprit « sur-mesure » jamais vraiment satisfait par les réponses « prêt à porter ». Au fond en période de transition, ce qui fait l’énergie d’un leader, c’est le doute. Ce doute fondamental sur lequel repose toute nouvelle ambition et toute nouvelle progression. Ce doute, en management comme ailleurs, nait souvent d’un discernement c’est-à-dire cette capacité permettant, à une époque charnière, d’observer comment les choses adviennent et se transforment. Si le discernement est une qualité rare c’est surement parce qu’il requiert à la fois courage et confiance : Courage de penser par soi-même et non plus par « corporate » interposé et confiance vis-à-vis de ce qui nait mais qui n’est pas encore reconnu par l’ « intelligencia » dominante. A l’évidence, un tel discernement contient un risque : Celui de perdre l’odeur de la meute et d’être marginalisé. Cette réalité explique aussi que le discernement ne soit pas très répandu dans les pyramides hiérarchiques friandes de normes et d’homogénéisation.
Le management de demain se reconstruira sur une nouvelle cohérence
C’est donc en se dégageant des aprioris idéologiques que le leader de demain pourra réinventer et peut-être ré-enchanter la relation manger-managé. On est là au cœur de la refondation d’une nouvelle cohérence. Cette réorientation des choses et des énergies passera d’abord et avant tout par une cohérence temporelle. Demain, l’art du manager sera de faire résonner passé, présent et avenir en malaxant fondements, ajustements et changements. Expliquons-nous ! D’où vient l’énergie vitale des équipes ? Très souvent des racines donc des fondements toujours ancrés par sédimentation dans la culture de l’entreprise. Ignorer cette culture et la saborder, c’est couper les racines de l’arbre et programmer sa mort. D’où vient la motivation des équipes au quotidien ? Certainement de la perception que les ajustements en cours sont de nature à favoriser et faciliter la progression demandée. Enfin d’où vient la mobilisation ? Assurément d’une croyance que quelque chose de jusqu’ici impossible devient possible. Demain, il y aura cohérence, quand il y aura adhérence et cette adhérence passe par une résonnance entre passé, présent et avenir donc entre fondements, ajustements et changements. Une telle résonance passe par toute une batterie de manière de faire et de penser. Ce cocktail de savoir-faire enraciné dans la vie quotidienne des gens et dénué de tout ce qui est conceptuel, confère à l’autorité une nouvelle légitimité et crédibilité adoubée par la base. Cette autorité adoubée est bien entendu à mettre en totale opposition avec le pouvoir arbitraire conféré par le système hiérarchique top down. En effet, l’autorité est par nature en constante interaction et en constante réversibilité alors que le pouvoir est lui figé et unilatéral. L’un (le pouvoir) agace de plus en plus. L’autre (l’autorité) attire et stimule en particulier les talents. Ce constat illustre toute la différence entre le manager d’hier et celui de demain et éclaire un peu la progressive translation des modèles managériaux en cours.
D’une vue surplombante à une vue enveloppante : Le management change son angle de vue
Au fond, ce n’est pas le doute qui rend fou c’est la certitude ! Il y a en effet quelque chose de malsain à vouloir à tout prix sauver des concepts, des dogmes ou encore des croyances manifestement usés jusqu’au cou. Il y a en revanche quelque chose de sain dans la sagesse du doute surtout quand ce doute nous mène, avec acuité, à décrire les choses telles qu’elles sont et non à les expliquer telles comme on aimerait qu’elles soient. Repérer ce qui est à l’œuvre et à la manœuvre souterrainement et parfois clandestinement devient plus pertinent qu’une vue surplombante faisant mine d’expliquer des concepts sans écho. Se débarrasser l’esprit du « prêt à penser » et revoir, avec étonnement si besoin, ce qui se passe réellement sera la compétence du manager de demain. Une chose est certaine : Le discernement nécessaire au leader de demain est à ce prix. Au lieu de cacher un mal être profond par une vue surplombante de la vérité et de masquer ce mal être par une rigidité du système, peut être devient-il plus adéquate de s’alléger l’esprit de certains carcans et de requestionner les lignes de force qui traversent le capital humain des entreprises. Passer de cette vue surplombante (et arrogante ?) à une vue enveloppante (et éclairante ?) est une façon de refaire corps avec la réalité et la solidité de l’ordre des choses. C’est au fond à une connaissance ordinaire à laquelle il faut peut-être revenir. Une connaissance faite de réflexion certes mais aussi d’expérience, de bon sens et d’humilité.
Manager le « sens commun » : Voilà peut-être au fond ce qui fait réellement sens !
Le travail n’est plus une valeur morale et c’est bien pour cela qu’il doit avoir un sens. Aujourd’hui on peut affirmer sans trop se tromper, que le management est réussi quand les gens qui ne travaillent pas par plaisir, prennent plaisir dans le travail bien fait ! En effet, dans la plupart des cas, on ne travaille pas par plaisir mais par besoin. Cette évidence à un revers : La quantité et la qualité du travail fourni sont érodées dès que le besoin est couvert. Comment, dans ces conditions, continuer d’obtenir quelque chose des équipes ? En reniflant un sens partagé, une sorte de « sens commun », mettant en jeu tous les sens et les sens de tous. Le management d’hier traquait les sens interdits par la répression et le contrôle. Le management de demain cherchera le « sens commun » à travers le déploiement synchronisé d’une intention commune. C’est à travers ce « sens commun » que la valeur travail redéfinira un nouvel art du vivre ensemble. Un art capable de fabriquer, pour une organisation de travail donnée, de la qualité de vie en interne et de la qualité de service en externe.