Qu’est ce qui nous arrive ? Décryptage d’un changement de logique !
Du jetable au durable : Changement d’étalon en cours pour le management de notre vie ?
La financiarisation de l’économie a fait de l’instantanéité l’étalon de la performance économique. Du coup, la vie économique est devenue une vie jetable où l’incertitude et le court terme font loi. Ce paradigme socio-économique encore dominant n’est ni viable, ni enviable, ni tenable. Ce dictat du temps comme étalon de la performance est d’autant plus surprenant que c’est généralement à partir d’une meilleure compréhension de l’espace (et non du temps) qu’il est possible de saisir la spécificité d’une époque. A cet égard, le changement, ou plutôt le pivotement qui est en train de s’opérer au sein du paradigme socio-économique peut se traduire par le glissement du vertical vers horizontal.
De la déduction à l’induction : Un changement de logique dans le management de sa vie ?
En termes de logique, ce glissement se traduit par un passage progressif de la déduction à l’induction. La notion de déduction est assez proche du phénomène de causalité qui dit que si A donne B alors B donne C. La déduction est donc un enchainement de propositions suivant des règles définies. La raison y est centrale. Toutes ces caractéristiques assimilent ce type de raisonnement à un système plutôt mécanique assez proche des systèmes hiérarchiques verticaux. A l’inverse, l’induction se rapproche plus d’un phénomène de fécondation qui dit que si A rencontre B alors C naitra. L’induction est donc plutôt une propagation de proche en proche générant des interférences plus que des références et des émergences plus que des évidences préétablies. La circulation des idées et des affects nourrit cette propagation. Toutes ces observations assimilent l’induction aux systèmes de réseaux horizontaux. Dit autrement, la déduction illustre le coté mécanique et descendant des choses (d’où son plan vertical) alors que l’induction symbolise le coté organique et transversal des modes de fonctionnement en réseaux (d’où son plan horizontal).
Management de nos vies : L’induction fait émerger un monde en « CO- »
Doucement mais surement, il émerge de cette induction un monde un « CO-». Les déceptions et les désillusions en chaine vécues par les uns et les autres dans un monde vertical ont déclenché un besoin inouï de confiance et cette confiance nait toujours par induction c’est-à-dire par propagation horizontale des affects. Tout se passe comme si le décalage entre ce qui se dit et ce qui se fait était plus réduit entre pairs qu’entre donneurs d’ordre et exécutants. Pas étonnant dans ces conditions que le monde en « CO- » émerge. La logique du « CO- » répond, à l’évidence, au besoin d’aller plus loin en reliant des gens devenus plus proches. Le monde en «CO-» c’est le plaisir d’être ensemble, cote à cote avec une intention commune. Ce plaisir, dans bien des cas, remplace très avantageusement la contrainte d’être les uns en dessous des autres avec des intentions divergentes. Parions qu’avec l’émergence du modèle en « CO- » , le modèle managérial de demain sera plutôt « stakeholders first » et non plus « shareholders first ». Ce pivotement du vertical vers l’horizontal s’accompagnera d’un changement de perception des organisations. Pour caricaturer, disons qu’hier l’entreprise pouvait paraitre régnante et arrogante. Demain, les organisations se présenteront comme militantes et coopératives !
De tous pareils à unique ensemble : le management de notre vie change d’intention
A quel sens profond ce monde en « CO- » répond-il ? Certainement au passage progressif de l’unité à l’unicité. L’unité c’est tous pareils. L’unicité c’est unique ensemble. A travers ces deux analogies, on comprend mieux l’écho rencontré par les modes de fonctionnement collaboratifs. En effet, avec la succession et l’aggravation des crises, le sentiment de précarité l’emporte aujourd’hui sur le sentiment d’invulnérabilité. Cette perception pousse naturellement les gens à se regrouper pour s’intégrer collectivement avant de se distinguer individuellement. Ce reflexe communautaire et solidaire donne aux membres de la « tribu » le sentiment d’être unique ensemble en échappant du coup à l’anonymat dans lequel les systèmes hiérarchiques verticaux cherchent à les plonger. Dit autrement, cette saturation de l’homogénéité (ou de l’Unité au sens un et indivisible) résulte de la volonté, parfois excessive et déviante, des systèmes hiérarchiques de tout homogénéiser, de tout standardiser, de tout contrôler et de tout moraliser. A l’évidence, le monde en « CO- » est un excellent échappatoire au modèle « tous pareils » et une excellente vitrine pour se montrer « unique ensemble »… quitte à changer de tribu si besoin. Cette dernière allusion est à l’origine du nomadisme professionnel croissant observé chez les jeunes générations mais pas que !
Le management de nos vies est à l’aube d’une profonde fragmentation
Ce mouvement résume la dynamique qui accompagne le glissement des modes d’organisation du vertical vers l’horizontal. Cette dynamique est en relation avec une vérité devenue plurielle plus qu’universelle. Dans le monde en « CO- », à l’encontre du Dieu unique que représente encore le système hiérarchique centralisé, le sacré se pluralise et les chapelles se multiplient. Des lors, en management, les ordres (et l’ordre) se fragmentent en de multiples interprétations en donnant naissance à des courants éparses. La société, consciemment ou inconsciemment, se tribalise aussi. Devant cette évidence, il est peut-être plus raisonnable d’organiser cette tribalisation plutôt que de la subir. Apres tout, orchestrer cette émulation et cette cohabitation des valeurs et des croyances est peut-être socialement plus rentable que de continuer à croire à une unité de façade générant au mieux une obéissance mais jamais un réel engagement.
Management de nos vies : Et si on échappait à la chape de plomb !
Tout nouveau paradigme franchit trois étapes : d’abord ridiculisé, ensuite combattu, enfin considéré comme ayant toujours été une évidence ! Hier le paradigme c’était la règle et l’homogénéité. Ce paradigme a été décliné politiquement (la république), économiquement (le système hiérarchique) et socialement (le contrat social). Par pesanteur et malgré les coups de griffe, certains tentent de sauver ces trois déclinaisons qui arrivent à saturation tandis que d’autres font émerger souterrainement ou clandestinement, un autre paradigme dans lequel la règle sera l’exception ! Fin du prêt à porter, début de la haute couture : Voilà notre prochaine raison de vivre dans laquelle la règle sera l’exception parce que la personnalisation sera généralisée. Cette fragmentation sera nécessaire pour constituer cette mosaïque de valeurs dont nous avons besoin pour faire face à la complexité (donc à l’imprévisibilité) toujours croissante de ce qui nous arrive. Ce nouvel art de vivre changera, en profondeur, nos intentions, nos collaborations et nos actions… au moins pour celles et ceux qui auront l’audace d’échapper à une certaine chape de plomb !