Les Gilets jaunes : Le changement c’est maintenant ?
Changement et engagement : un dosage bien difficile à réaliser !
Quand tout s’accélère, la « vitesse d’agression » de l’environnement dépasse les « capacités d’adaptation » humaine. C’est par cette déconnexion entre agression et réaction que la précieuse notion de continuité s’écroule dans la société, trop souvent en rupture au gout de ses acteurs. Cette perte de continuité rend le changement « agressif » d’où les réactions, les objections voire les obstructions. Malgré son urgence apparente, le management du changement nécessite non pas de rouler vite ou de rouler loin mais de rouler juste en synchronisant les vitesses d’agression et de réaction. Un changement sans cette synchronisation relève souvent plus de l’agitation que d’une vraie orientation. En effet, si l’action pousse le changement à rompre avec le passé, la réflexion doit obligatoirement le prendre en compte pour que changement et engagement résonnent. C’est dans ce dosage subtil entre passé et présent que l’avenir se construit. Vouloir sortir de cette réalité est juste un phantasme qui suscite des espoirs de changement très vite vains avec toute la frustration et la colère que remue ce genre de déception.
Management du changement : l’écart entre ambition et réalisation est parfois abyssal
A l’échelle d’une société, les difficultés rencontrées dans l’exercice du changement s’expliquent plus par un problème de diagnostic que par un problème de choix du traitement. En effet, en l’absence de diagnostic clair et largement partagé, il est impossible de mettre en route un traitement constant, consistant et cohérent du changement. Il y a dans cette absence de synthèse sur les principaux diagnostics à poser, l’origine de nombreux blocages dans le management du changement. Sans diagnostic avisé, de grandes ambitions affichées se terminent souvent en petites transformations non achevées. Un tel atterrissage explique que l’espérance diffuse et confuse véhiculée par le changement se transforme souvent en déception réelle et sérieuse à l’arrivée. Cet effet d’atterrissage s’explique aisément si l’on comprend bien que l’idée du changement n’est pas de passer d’un état stable à un autre état stable. L’idée est plutôt de passer d’un état stable à un état mutant pour apprendre et expérimenter de nouvelles choses, chemin faisant. Seuls ces temps d’apprentissage et d’expérimentation, forcément consommateurs de temps, sont capables de générer de la réflexion, de l’ouverture, de la créativité fécondes.
Management du changement et temps courts : Une contre-indication ?
Notre époque se caractérise par la (vaine ?) intention d’imposer des temps courts : innovations, changements, ruptures sont des mots clés, parmi d’autres, bien significatifs de notre époque. Avec un minimum de lucidité, il parait assez évident que cette dictature du temps n’est possible que moyennant le développement de compensations pour assumer les difficultés et les contraintes du moment. Ce dictat des temps courts est généralement une caractéristique des périodes de hautes turbulences avec la nécessité tôt ou tard de redevenir à des temps plus longs, plus paisibles et plus stabilisateurs pour la société. L’instabilité de notre époque fait que vouloir prédire l’avenir, c’est un peu comme vouloir définir la couleur d’un caméléon. L’avenir ne se prédit pas, il se construit en tenant compte des contraintes du passé et des opportunités du présent. Pourtant, il est plus qu’à la mode de disserter sur le changement, les transitions et les visions. Même si les intentions sont parfois louables, il est tout de même utile de rappeler certaines vérités se dressant sur n’importe quel dynamique du changement.
Dynamique du changement : une histoire d’alliance ?
Une de ces vérités souvent trop occultées est que dans la société comme ailleurs, la résistance au changement est aussi muette que solide. Statistiquement, la loi des grands nombres nous indique qu’il y a toujours dans un groupe, quel qu’il soit, 15% de leaders, 62% de suiveurs et 23% de démolisseurs. L’expérience montre que le management du changement est réussi quand par la conviction, la séduction ou la force, les constructeurs entrainent les suiveurs contre les démolisseurs afin de les neutraliser. A l’inverse, le changement est en danger quand les démolisseurs, au travers de leurs activismes, retournent les suiveurs contre les constructeurs. A ces statistiques infaillibles, ajoutons que la sagesse commence quand on se débarrasse de nos nostalgies pour ne pas vivre dans le passé et de nos utopies pour ne pas (trop) idéaliser le futur. C’est en se « désintoxiquant » petit à petit de nos habitudes et en se préservant autant que possible de nouvelles illusions que l’on parvient jour après jour à construire une société sans nostalgie ni utopie. Promettre le changement sans l’obtenir est une impasse. Décider un changement sans l’accompagner est un leurre.
Le changement de logique précède toujours le changement des pratiques
Dans une société comme ailleurs, un paradigme est un système de croyances et de postulats créant une vision du monde intégrée et unifiée. Cette vision est si convaincante et impérieuse qu’on finit par la confondre avec la réalité même. Le problème est que tout passe, tout lasse, tout casse ! Toute vision arrive donc à son niveau de saturation et c’est à ce moment-là que les périodes de mutation émergent. A l’évidence, nous sommes dans une de ces périodes. Reste à trouver les leaders capables de renouveler, réinventer et ré-enchanter le paradigme ! Ce nouvel élan doit prendre en compte une contrainte universelle qui veut que l’on ne pas réellement changer les pratiques tant que l’on ne change pas profondément la logique. Cette corrélation, souvent occultée, explique les nombreux dialogues de sourd qui animent les débats enflammés dès que l’on parle changement. Quand les uns s’arqueboutent sur des pratiques et que les autres répondent par des logiques, il n’y a aucune chance d’être sur la même longueur d’onde. Tout le fossé entre « élites » et peuple réside dans cette subordination des pratiques aux logiques.
Les vrais changements réconcilient tableaux de bord et vie à bord
Pour tenter de combler ce fossé et donc de redonner du sens au changement, les leaders de demain devront changer d’intuition et d’intention. Cette intuition ou intention pourrait être de bien comprendre que tout changement nécessite en réalité d’aligner sa tête (sa pensée), son cœur (sa sensibilité) et ses tripes (sa volonté). Après tout et contrairement à l’idée répandue, les gens ne sont jamais contre le changement. Ils souhaitent juste qu’il soit plus anticipé et moins pressé, plus mobilisateur et moins moralisateur, plus participatif et moins directif. Au fond, le changement est réussi quand les gens qui ne changent pas pour le plaisir, prennent un certain plaisir à changer. Pour tendre vers ce plaisir du changement, il est urgent de réconcilier les « tableaux de bord » imposés par les technocrates avec la « vie à bord » réclamée par les citoyens. Relier les impératifs des uns (fiscalité, normes, taxes, impôts) avec les envies ou les nécessités des autres (vivre à la campagne, devoir perdre sa vie à la gagner, sortir de l’assistanat, ne plus avoir peur d’être déclassé) deviendra indispensable pour réussir les changements qui s’imposent à nous individuellement et collectivement. Sans cette synchronisation, le « dégagisme » continuera et s’accroitra, les possibilités de transitions et de changements maitrisés s’éloigneront et la possibilité de chaos se rapprochera. Il y urgence à comprendre ce que nous vivons vraiment et à prendre collectivement et individuellement notre avenir en main sans demander aux autres de le faire à notre place.